Quelques remarques pour compléter ce qui a été dit :
- Ces témoignages décrivent avec une grande exactitude la réalité du moment. On y entend une très forte
colère de la part des acheteurs (choix du journaliste ?). Une colère parfaitement légitime d'ailleurs, mais qui devrait aussi un peu plus s'orienter sur la mairie de Paris. Comme le démontre l'interview de cet adjoint municipal dogmatique, la politique foncière de la capitale est uniquement tournée vers les logements sociaux, et accessoirement sur des ridicules prêts à taux zéro spécial primo : c'est un pacte gagnant-gagnant pour être réélu, puisque cela a la double vertu de soutenir la hausse (satisfaction de la clientèle des propriétaires) et de protéger les pauvres (satisfaction de la clientèle des assistés).
- Est-ce le choix des témoignages ? En tout cas, ceux qui n'ont rien trouvé (cad ceux qui ne se sont pas endettés sur 25 ans pour rembourser un 40m2) ont également renoncé à acheter, les prix étant trop haut. Ils souhaitent tous
quitter Paris.
- Un phénomène peu évoqué et dont il est difficile de connaître le poids exact : les chasseurs d'appartements. Ces gens achètent sans négocier, en prenant leur commission en plus, ce qui participe probablement aussi à l'augmentation des prix. Ils sont principalement mandatés par des "clients étrangers" ou des "provinciaux", ceux-là même qui poussent à la surenchère.
- Au printemps (lors de la crise grecque), le cours de l'EUR a redonné du pouvoir d'achat à ces acheteurs étranger (hors zone euro), qui représenteraient quasiment les seuls acheteurs des biens de prestige (biens > 7 M€). A l'autre bout de l'échelle des prix (< 50 m2), on trouve la profession libérale ou le cadre supérieur de province. Conjugué à l'atonie des marchés action, aux craintes inflationnistes sur l'euro (un comble !), à la défiance dans les banques et à la peur sur les retraites, ils ont orienté leur bas de laine sur l'immobilier. Ce
marketing de la peur joue à plein : l'article site abondamment ces notaires enjoignant de "sécuriser" sa retraite dans un bien immobilier à Paris. Bandes de naïfs : votre rendement locatif sera plus élevé dans une ville de province et votre risque de marché plus faible, pour ne parler que de la France ... On voit ce marketing de la peur, bien pratique pour faire vendre, dans les interventions de ce forum : nous serions au bord d'une crise sans précédent ! Sérieusement, à NY durant l'hiver 2007 et au printemps 2008, puis quand AIG puis Lehman ont commencé à tomber alors que toutes les courbes de défaut étaient perpendiculaires, alors là oui, les gens informés savaient pertinemment à quoi s'attendre. Le français, lui, est lobotomisé par des médias sans culture économique : durant l'hiver 2007 (et même maintenant), un spread de CDS ou un taux de défaut, il ne sait pas ce que c'est. Or, c'est maintenant que la zone d'instabilité dangereuse est passée que le français a peur. La réalité, c'est qu'il a raison d'avoir peur de rester durablement pauvre dans une économie atone, une économie de rentiers, mais je pense qu'il n'y aura pas de nouveaux chocs (enfin, j'espère), mais un interminable dégonflement de la bulle obligataire, avec des taux d'intérêts bas.
- Vu depuis quelque part ente Marne La Coquette et Saint Cloud (temporairement, je ne suis plus parisien), Paris m'apparaît constitué d'une population croissante et fatiguée de pauvres et de chômeurs (massivement assistés et logés en HLM - le mieux - ou exploités par des marchands de sommeils - le pire), juxtaposés à des étudiants et des jeunes actifs célibataires de plus en plus pressurisés par les loyers ou les remboursements. L'ancien sympathique "petit peuple" de Paris (non assisté) a presque totalement disparu. Les artisans, les familles avec enfant, les classes moyennes, les cadres, les intellectuels sont irrémédiablement rejetés en dehors des murs. Les riches, les vrais, restent dans les 7°, 17° sud, 16° nord, et sinon vont à Neuilly, au nord de Boulogne et dans des petits coins très protégés du 92, surtout le plus loin possible du métro. Au centre, c'est le royaume de Disneyland et du tourisme, du loisir et du shopping, de la racaille qui débarque, des pieds à terre et des appartements inoccupés à la rentabilité incertaine. L'investisseur sait-il vraiment où il met les pieds, alors que les AI rêvent (et réussissent
) de pouvoir uniformiser les prix à 10 K€ le m2 partout dans la capitale et la proche banlieue ?