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Autrement préoccupante est la généralisation du modèle de la bulle financée à crédit, surtout quand il s’agit de marchés de beaucoup plus grande ampleur. Deux sont classiquement la source des plus grandes dérives collectives : l’immobilier et les marchés de taux. Tous deux sont dans une mesure importante financés à crédit ; tous deux peuvent donner l’illusion d’une sécurité relative (la pierre et le béton d’un côté, les garanties publiques ou les ratings de l’autre) ; tous deux sont de taille gigantesque et dans leur majorité de faible liquidité naturelle. La crise des subprimes mariait les deux.
Nous assistons en fait aujourd’hui sur ces deux marchés à la formation de bulles exceptionnelles par leur ampleur et aggravées par deux phénomènes très regrettables. C’est d’abord et surtout l’excès démesuré et anormal d’argent, l’intervention sans frein des banques centrales : quand la planche à billets fonctionne à plein régime il faut bien placer cet argent, ce qui nourrit artificiellement la demande, éloignant d’autant la correction du marché. Et, fait pathologique, la demande se fait alors très forte pour une intervention publique, donc encore à crédit ou par création de liquidités. On l’a vu avec la crise boursière chinoise, mais ce n’est pas allé très loin.
Mais on le voit surtout à haute dose, sur toute la planète, dans l’endettement public et les bulles immobilières. Comme si nos sociétés ne toléraient pas les périodes nécessairement difficiles résultant de la correction des excès antérieurs et préféraient à chaque soupçon de crise intensifier les doses de leur drogue favorite : le crédit. Comme si plus on souffrait des effets de l’alcool, plus on devrait boire. Dans les démocraties comme dans le régime autoritaire chinois. La culture de la bulle si on peut dire.
A cela peut s’ajouter la mauvaise régulation. Notamment, lorsque des ratios prudentiels sont inadaptés ils accroissent l’impact des crises voire les suscitent car ils rendent anormalement peu coûteux en fonds propres des spéculations à risque, sécurisant en outre artificiellement les opérateurs. Aujourd’hui encore la dette publique est par exemple considérée risque nul : pas de fonds propres ! Qui peut le croire ? Dans un autre ordre d’idée la baisse de liquidité qui résulte de mesures par ailleurs compréhensibles rend les chocs plus brutaux.
Mais on l’a vu, l’éclatement de ces bulles a des conséquences spectaculaires et très graves. Ce fut le cas en 1929, ou avec les subprimes. Question alors : pourquoi ne tire-t-on aucune leçon de ces bulles qui se succèdent ? Bien sûr on a pris des mesures considérables depuis 2008. Mais elles ont plus consisté en un renforcement de la résilience des institutions bancaires, ou la réduction des effets de contagions, qu’en de la prévention directe : plus que jamais on a inondé le marché de liquidités, depuis 7 ans déjà. Sans doute parce que ce serait une remise en question trop douloureuse et que nous préférons faire le choix de la facilité. On a pris l’habitude des « drogues douces » : de l’argent facile et pas cher, et on ne tolère plus les corrections normales du marché.