ab86 a écrit : ↑02 sept. 2023, 23:19
alexlemoine a écrit : ↑01 sept. 2023, 14:02
Ce n'est pas cher mais il faut voir aussi pourquoi: les salaires sont désespérément faiblards et les jeunes sont, dans une proportion trop importantes, cantonnés aux contrats temporaires mal payés. Pour mémoire, les petits emplois non qualifiés c'est un salaire horaire le plus souvent compris entre 1 050 et 1 200 Yens (6,69 à 7,64 euros de l'heure). Un loyer à 1 100 euros, presque 175 000 Yens par mois c'est beaucoup donc.
Quant à ne pas bosser pour engraisser des inutiles, certes leurs boomers pèsent moins lourd que les nôtres individuellement, mais vu leur nombre il n'y a pas de miracles et le poids des vieux pour leur société va encore s'accroitre dans les décennies qui viennent, quand nos boomers français vont au contraire mourir un peu plus vite et seront suivis de cohortes démographiques plus nombreuses. Au Japon comme ailleurs, les actifs et les familles sont quand même bien tabassés fiscalement.
(et je ne compare même pas les prix de la bouffe de supermarché, le reste à charge des soins médicaux et les sommes délirantes à prévoir pour les études supérieures des enfants)
Pour les salaires, cela dépend, l'éventail des salaires est plus élevé au Japon. Si les emplois non qualifiés sont effectivement moins payés qu'en France, un professeur débutant à Tokyo est - sensiblement - mieux payé que son équivalent français. (Les instituteurs ont un statut particulier, souvent service civil de ce que j'ai compris, mais sont payés quand même 1700€, soit autant qu'un titulaire débutant ici) et un ingénieur débutant est payé un peu plus qu'ici. La dernière fois que j'y étais, on a proposé 3000 € à un de nos masters débutants). Avant le covid, un technicien vendeur d'un magasin d'électronique à Akihabara avait autour de 1800-2000€ .
Et il y a beaucoup d'emplois qu'un européen trouve inutiles (sans doute un gisement de productivité), certainement peu payés, mais qui participent à la sérénité, et à la communauté de vie japonaise.
Si il y a des trucs plus chers au Japon, par exemple les transports qui n'ont pas l'air (ou beaucoup moins qu'ici) d'être subventionné, je ne suis pas d'accord avec tes exemples.
- Pour la bouffe de supermarché, à part les fruits et légumes (quoique maintenant...) je trouvais moins cher là bas qu'ici.
- Le reste à charge des soins médicaux... J'ai pu comparer. De tête, c'était 6-7€ à la charge de mon mari quand il sortait du dentiste ou de l'hôpital de quartier, ce n'est pas la mort. Et BEAUCOUP moins que les 80€ que j'ai du payer de ma poche ici lors de mon dernier soin dentaire.
Sans compter qu'au Japon (au moins là où je suis resté), on n'est pas obligé d'attendre 6 mois un RV pour un dentiste, un an pour un ophtalmo ou un dermato. J'ai toujours eu mon truc dans les 2-3 jours, je ne sais pas où tu habites, mais trouver un stomato à Poitiers est +- impossible, il faut aller à La Rochelle ou Bordeaux pour avoir un rv en moins de 6 mois (et pour un abcès on ne peut attendre) donc le trajet rajoute immédiatement entre 120 et 200€ à chaque consultation.
J'en reviens à mon exemple.
Donc un couple d'instituteurs débutant pouvait louer en 2019 une maison dans un quartier sympa de Tokyo. A Paris, un couple d'instituteurs débutants, il peut louer quoi si il veut rester dans un quartier sympa et safe de Paris ou petite couronne ?
Pour les salaires actuels, attention à la comparaison, le yen a bien baissé depuis 2-3 ans. en 2019, 1200Yens c'était 10€, pas 7,5€ comme maintenant.
Pour la médecine, d'accord avec toi, c'est très, très agréable et surtout rassurant de ne pas avoir d'attente pour les RDV. En revanche, le reste à payer des soins est souvent bien plus élevé que les 6-7 euros qui te restaient à charge (tant mieux pour toi). Et attention aux maladies graves, il n'y a pas de prise en charge à 100% là-bas façon ALD: sur un cancer, il peut rester 20 à 25% à du montant des soins à la charge du patient, de quoi se retrouver en surendettement s'il n'y a pas d'épargne de prévoyance.
Quant aux soins dentaires des enfants, je suis prévenu: un traitement appareil dentaire c'est au total 100 000 Yen non remboursés...
Pour les courses de supermarché, je viens de rentrer en France pour des vacances, et franchement je pleure en voyant les prix du Super U. Même avec un Yen faible, tout est beaucoup, beaucoup moins cher en France, sans exagérer le même panier me revient à 40-50% moins cher ici. Il y a eu un gros coup de speed sur les prix à la sortie du Covid, depuis début 2022, comme en France même si ce fut plus discret. Pour donner des exemples de mes supermarchés Sumit et OK Store japonais (et il faut rajouter 10% de TVA...):
-4 yaourts bio: 228 Yen
-viande correcte mais basique: 600 Yen les 100 grammes
-liquide vaisselle : 600 Yen les 500ml
-lait: 200 Yen le litre
-pommes : 500 Yen les 4.
-tomates: 300 Yen les 4.
Bon en revanche, évidemment les sushis ne sont pas chers, et on trouve des légumes abordables. Mais même sur les produits ultra-locaux, ils restent plus chers qu'en France globalement.
On ne parlera même pas des études supérieures, hein. Une année de bac de médecine entre 70 000 et 100 000 euros (oui, euros) par an, sauf à réussir le concours d'entrée d'une des 7 universités nationales...
Et puis il y a toutes les petites dépenses de routine, l'entretien de la voiture qui est un vol absolu (mais l'essence est moins chère), l'électro-ménager vendu le double ou le triple de l'Europe (on s'était même posé la question de l'acheter en Europe et de le faire venir par bateau), l'électricité et le gaz assez cher, le Shinkansen aux tarifs délirants par rapport au TGV. Leur problème c'est qu'il n'y a pas de concurrence entre les chaînes de supermarché et d'électroménager, comme par hasard les prix sont les mêmes au Yen près partout, je soupçonne des ententes massives dans le business, profitant du caractère peu revendicatif des japonais, d'un système politique que je devine assez ou très corrompu, et d'une culture protectionniste dévoyée.
C'est là qu'on se rend compte qu'en France, on est béni des Dieux avec la force des grands groupes d'hypermarchés nationaux, les enseignes bonnes et à bas prix (genre Décathlon, Darty, Midas etc...), les patrons façon Michel-Edouard Leclerc et Xavier Niel qui, avec leurs qualités et leurs défauts, jouent les briseurs de monopoles et/ou de prix, et une Autorité de la concurrence qui remplit bien son rôle.
Je pense qu'au final les exemples que tu donnes sur des salaires légèrement plus élevés ne permettent pas de compenser par rapport à l'Europe. Là où ils peuvent en revanche y gagner un peu, c'est en effet sur le coût du logement lui-même, à l'achat ou à la location et surtout le fait qu'il n'y a pas de quartier vraiment craignos là-bas (ceci dit, le niveau des écoles est parfois inégal et ça suffit, dans leur système ultra-compétitif, à faire fuir de quartiers pas chers).
D'ailleurs, au Japon le meilleur moyen d'avoir un bon niveau de vie c'est surtout de ne pas avoir d'enfants...
Pour reprendre ton exemple d'un couple de jeunes instituteurs (1 900 euros chacun), donc un potentiel de location à, disons 1 300 euros par mois, pour un environnement correct en Ile-de-France, ça va effectivement les envoyer du côté du Chesnay pour un appartement de 60m2 et plus.