l'offre immobilière à Tokyo
Posté : 06 oct. 2020, 15:01
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Encadrement des loyers, et maintenant Lyon... : mais pourquoi personne ne s’intéresse-t-il à l’incroyable réussite de Tokyo pour dégonfler la bulle immobilière des années 80 ?
La ville de Tokyo avait pourtant réussi à dégonfler sa bulle immobilière sans avoir recours à l'encadrement des loyers.
Atlantico.fr : La ville de Tokyo a réussi à dégonfler sa bulle immobilière sans avoir recours à l'encadrement des loyers, quelle a été sa stratégie ?
Charles Reviens : Tokyo-Yokohama est tout simplement la plus grande zone urbaine du monde avec 38 millions d’habitants (56 % de la population française). L’immobilier (tous classes d’actifs confondus) avait connu une bulle tout à fait considérable : la valeur de l’immobilier japonais représentait fin 1991 20 % de celle de tous les actifs de la planète, avant l’explosion de la bulle qui est devenu un cas référence pour les économistes.
Depuis le début des années 2000, la croissance du prix des actifs immobiliers – et donc également celle des loyers – est infiniment plus raisonnable que celles que connaissent d’autre métropoles mondiales comme San Francisco, Londres ou Paris. Cette modération de la croissance des prix n’est ni liée à la décroissance démographique – qui touche le Japon mais pas sa principale zone urbaine – ni à des dispositifs spécifiques comme le logement social (5 % des foyers contre 17 % en Grande-Bretagne ou 22 % en France).
Comment cela a été possible ? La réponse semble être principalement du côté de l’offre : le stock de logements de Tokyo augmente de 110 000 unités par an depuis 2003, à comparer par exemple à une augmentation annuelle de 20 000 à 40 000 logements pour Londres pour la même période. Cela est couplé à une particularité très importante du Japon qui est une forme immobilière de destruction créatrice schumpetérienne, avec un volume très important de démolitions d’immeubles même relativement récents pour nos standards. Les anciens immeubles sont remplacés par des immeubles de plus grande hauteur : en vingt-cinq ans le parc de logement dans des immeubles de plus de six étages ou plus a quasiment été multiplié par dix.
Il faut maintenant comprendre pourquoi une production massive est plus facile que dans les principales métropoles occidentales. Le changement le plus important concerne une modification radicale des règles d’urbanisme et d’octroi des droits à construire via la loi sur la renaissance urbaine votée en 2002. Les règles d’usage des sols sont définis au niveau national avec 12 types d’usage possible (7 types de zones résidentielles et 5 zones commerciales ou industrielles). Tout propriétaire de foncier peut construire exactement ce qu’il veut s’il respecte les règles de construction et les niveaux de nuisance de la zone dans laquelle sa parcelle se situe, pouvant ainsi démolir son immeuble de 2 étages pour en construire un de 8 si cela est possible dans sa zone.
Les développeurs sont ainsi affranchis de la pression des élus, des fonctionnaires et des riverains. Le renouvellement urbain à la japonaise est dont extraordinairement différent de ce qu’il est en France et il conduit probablement à une moindre rigidité de l’offre conduisant à la maîtrise des prix.
Pourquoi une stratégie identique n'est pas appliquée en France ? Est-ce inapplicable ou bien certains éléments peuvent être adaptés au cas Français ?
Rappelons d’abord que la France a connu des époques de forts volumes de construction, principalement deux : l’épopée du Baron Hausmann à Paris et l’ère des grands ensembles dans les années 1960 et 1970, dans les deux cas sous l’impulsion forte de l’Etat.
Une décision majeure a surtout été prise par François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre au début des années 1980 avec le transfert de l’Etat aux maires des décisions d’urbanisme et d’octroi des permis de construire, au cas d’espèce dans le pays qui comptait alors (et compte encore) le plus grand nombre de communes d’Europe. Ce choix est objectivement orthogonal à l’esprit des règles mises en place au Japon au début des années 2000 et le pays rame depuis pour en sortir. Par ailleurs la facilité avec laquelle il est possible de faire des recours contre des permis renforce l’écart avec l’approche nippone.
Il faudrait donc une révolution copernicienne et peut-être plus pour passer d’un système français ultra administré et judiciarisé au dispositif ultra simplifié japonais et admettre que l’augmentation de l’offre peut faire baisser les prix, donc croire un peu au marché. |...]