tibere a écrit :On arrive là dans la partie la plus amusante de la discussion, celle où se dessine nettement dans toutes leurs brutalités deux tendances qui s'affrontent :
- celle de ceux qui disent "allons vers l'austerité" (du fait de la nécessité de rembourser à des banquiers la dette de l'état : violence financière
- celle de ceux qui disent "continuons la gabegie", il y aura toujours quelqu'un pour payer (le contribuable, et tôt ou tard, la violence étatique devient nécessaire)
Nous avons affaire à un problème structurel qui fait de la première et de la seconde violences, les simples continuations de violences antérieures. Et
cette violence repose sur ce qu'on appelle le rendement. A partir du moment où le système privilégie
essentiellement le rendement, l'illusoire travail du capital, la liberté des uns et son abus se construit sur le dos de la liberté des autres, et nul humanisme n'est vraiment possible.
Dans le premier cas,
le rendement maximum a besoin de coût du travail toujours plus réduit, ce qui inclut la disparition de tous les fameux acquis sociaux et la fabrication d'une société éclatée qui oppose le statut de rentiers libres au statut de travailleurs non libres. Austérité.
Dans le second cas,
le rendement garanti a besoin de contribuables pour financer les intérêts de dettes publiques devenues éternelles, ce qui inclut la liquidation des actifs rentables de l'État (autoroutes, pétroliers, etc.) et de sa capacité à lever l'impôt -
gabegie - ainsi que la fabrication d'une société éclatée qui oppose le statut d'épargnants libres au statut de contribuables non libres.
Les individus se scindent alors en trois catégories à l'échelle planétaire :
Les plus puissants accèdent à un statut de rentier actionnaire/épargnant maximal, tout en échappant aux contraintes du travailleur/contribuable - niche et évasion fiscales. Les classes intermédiaires, prise au piège de la dialectique libre/non libre : épargnent sous forme d'obligations ce qui les conduit à payer plus d'impôts, développent l'actionnariat en propre ce qui pèse sur leur salaire ou leur profit. Stratégie de la balle dans le pied. Ceux qui ne peuvent pas prétendre à l'épargne/rente subissent la disparition des acquis sociaux, tout en devenant de plus en plus esclave du travail et des impôts, soit par la dette, soit par la consommation, soit par le dumping social.
Pour éviter ces deux violences, il s'agit de
mettre le rendement sous l'éteignoir.
Pour ce faire, il est indispensable de rétablir le risque et les conséquences du risque, ce qui sous-entend de l'étanchéité et de la déconcentration, on verra alors que les rendements du capital suivent les possibilités de croissance, et peuvent donc être négatifs.
Mais pour que ça marche,
il s'agit avant tout de rétablir un financement sain des États, qui ne sont pas des entreprises, et dont les modalités d'endettement ne peuvent pas relever de marchés privés qui ont fait la preuve de leur échec en tant qu'outil de régulation. En remettant les clés des dettes publiques européennes à des banques centrales indépendantes, sans passer par des intermédiaires financiers, on peut tout aussi bien veiller à un contrôle des niveaux de dettes, sans pour autant fabriquer de rentes garanties sur le dos des contribuables.
A partir de là, en renonçant à des éléments du dogme, on peut imaginer des stratégies collaboratives de développement à l'échelle européenne. Des stratégies qui échappent largement aux violences de l'État et du Marché.
Quand je dis ceci :
un Etat, contrairement à une entreprise, ne peut pas faire faillite. Il est toujours possible de faire payer quelqu'un. Et les restructurations de dettes (tiers monde, argentine...) ont toujours conduit à un renforcement de la position des créanciers.
Je ne m'inscris clairement pas comme revendiquant la poursuite d'une soi-disant gabegie de l'État -
gabegie largement illusoire quand on la compare à la gabegie du secteur privé (financiarisation...) ou qu'on analyse de façon structurelle un phénomène qui touche tous les types de gestion sans exception, y compris les gestions des États dits sains - mais comme constatant que les marchés financiers ont compris qu'un État était une source intarissable de profit pour qui serait capable de lui soustraire une rente.
Il est temps de mettre fin à cette folie.
Rendre aux hommes leur souveraineté s'agissant de l'émission monétaire, de l'octroi de crédit, du contrôle des dettes publiques, et donc de la définition de leur propre contrat social, n'est-ce pas un projet plus humain que de les laisser en pâture à d'hypothétiques Lois Divines qui démantèlent les démocraties sociales de marché sans rien construire à la place que des ploutocraties ?
Le rendement sous l'éteignoir, voilà mon projet humaniste. Et
ce projet ne repose véritablement que sur une seule mesure technique fondamentale : permettre aux États européens de se refinancer directement et sans intermédiaire auprès de la BCE.
Les gouvernements européens se font Marché dessus.