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par s.totem » 05 févr. 2006, 15:58
une synthèse déjà publiée`;
cherchez déjà la prochaine bulle, l?économie américaine en a besoin
Jamais dans leur histoire les Etats-Unis n?auront été autant endettés. L?héritage d?Alan Greenspan est constitué de risques financiers colossaux.
Bruno Bertez
En ce début d?année 2006, nous tenterons d?articuler notre chronique autour de 4 grands thèmes: la revue de l?année 2005, la situation au début de l?année 2006, les perspectives 2006, l?héritage de Greenspan. Compte tenu de l?espace disponible, nous ne ferons que donner les traits essentiels.
Les consensus pris à contre-pied
Revue de l?année 2005. L?année a été surprenante. Le dollar qui était faible, voire menacé fin 2004, a fait un beau rally, prenant les consensus à contre-pied. Le Dollar Index est remonté jusque dans la zone des 92 alors que l?on venait des 81/82. Ce retournement haussier a été provoqué par l?accroissement de l?écart d?intérêt en faveur des Etats-Unis. L?Europe et le Japon ont poursuivi plus longtemps que prévu une politique de surstimulation monétaire.
La Fed américaine a aplati la courbe des taux, mais les banques centrales étrangères ont continué, contrairement aux pronostics pessimistes, à acheter des titres du gouvernement et des Agences. On estime à 200 milliards ces achats de valeurs américaines en 2005.
Dans ces conditions, le rythme de création des liquidités en dehors des Etats-Unis s?est encore accéléré. On peut sans risque de se tromper avancer l?idée que 2005 a marqué un tournant par lequel les banques centrales non américaines ont pris le relais de la Fed en tant que fournisseurs primaires de la liquidité globale, en tant que locomotives de l?inflation monétaire.
Wall Street supplante le système bancaire
Nous avons développé en fin d?année l?idée de la désynchronisation, c?est-à-dire du relais partiel des Etats-Unis dans le rôle de traction par les blocs Asie et Europe. C?est cette désynchronisation, ce relais, qui explique ce qui s?est passé sur tous les autres marchés. Il faut cependant compléter en précisant que l?Asie et l?Europe sont devenus leaders dans la stimulation, mais que les Etats-Unis n?ont pas pour autant cessé de l?être. Malgré les hausses de taux, et même au niveau actuel, la situation monétaire américaine reste très stimulante. En partie, c?est parce qu?elle échappe aux régulateurs et que la liquidité vient d?ailleurs. Wall Street et les marchés ont supplanté le système bancaire.
L?or et les matières premières, le pétrole, les marchés d?actions, aussi bien des pays développés que des émergents, tout est resté très ferme. Les Bonds que l?on attendait à la baisse ont fini l?année dans les cours de départ. Les primes de risques se sont même payées le risque de se réduire. L?immobilier mondial reste très bien. Le logement américain plafonne un peu, mais l?anglais repart après une pause.
En un mot comme en cent, alors que les consensus tablaient sur une contraction globale de la liquidité, l?aisance au contraire s?est accrue. Le niveau de la mer monétaire s?étant encore élevé, tous les bateaux ont monté. Ceux d?Asie, d?Europe et des émergents plus que ceux des Etats-Unis, c?est logique compte tenu de l?origine de la création inflationniste.
Angle-Le début de l?année 2006 pourrait s?avérer euphorique. Puis ce sera plus délicat
Le début de l?année 2006. Ce début est dans la ligne de la fin 2005. L?or franchit un nouveau record de 25 ans. Le CRB, indice des matières premières, inscrit un sommet de tous les temps. Les métaux repartent à la hausse sous la conduite du cuivre. Le pétrole fait de même malgré la situation des stocks et le rapport offre/demande. Les marchés mondiaux font des bonds euphoriques, même l?américain, pourtant à la traîne, se réveille. Il le fait sous la conduite du Nasdaq et des semi-conducteurs.
Les taux d?intérêt courts ont beau monter, les obligations sont recherchées et les taux longs baissent. On parie sur les Bonds souverains, mais tout autant sur les émergents et les corporates. Les émissions battent leur plein.
Situation de liquidité surabondante, excessive
Conclusion évidente: nous restons dans une situation de liquidité surabondante, excessive, qui joue tout sans sélectivité ni discernement. La liquidité chasse les actions, les matières premières, le pétrole, les précieux, les devises commodities, l?immobilier comme si elle anticipait une poursuite et même une accélération de la croissance globale. La liquidité chasse également les obligations et inverse la courbe des taux comme si on allait vers un ralentissement économique, voire vers une récession. Tout monte, peu importe que les anticipations qui soutiennent les hausses soient contradictoires. On parie en même temps sur une chose et son contraire. On a les moyens, tout marche.
Quelle est la situation technique? Pour simplifier, nous dirons que l?on commence à se trouver suracheté un peu partout, surtout sur l?or et les actions. Des divergences révélatrices sont apparues ces derniers jours, c?est le signe que l?on est un peu essoufflé après la course du début d?année.
2006, une nouvelle année Goldie Lock
Les perspectives 2006. Le consensus est bien sûr positif puisque le sentiment est positif. Comme il est produit par la Tendance et que la Tendance est bonne, la magie fonctionne. Analystes et stratèges sont confiants. Leur scénario est le suivant: c?est bientôt la fin de la campagne de hausses des taux courts aux Etats-Unis; l?activité économique va se modérer un peu, mais rester bonne; les profits seront élevés, car l?inflation des coûts va ralentir; le reste du monde accélère puisque les conditions monétaires y sont stimulantes, cela permet un soutien par les exportations et un comportement ordonné sur les marchés des changes; l?immobilier plafonne gentiment mais ne craque pas. On s?installe sur un plateau. En résumé, 2006 sera une nouvelle année Goldie Lock. Ni trop, ni trop peu. Juste ce qu?il faut, comme d?habitude, serait-on tenté de dire.
La notion de bonne gestion est si relative
Nous restons par conséquent sur notre position développée à fin 2005, à savoir que les marchés devraient faire des plus hauts entre le début 2006 et le printemps.
Pour la suite, nous divergeons et nous croyons à une période délicate, une sorte de croisée des chemins. A notre avis, les régulateurs et les marchés dans leur sillage vont devoir choisir. L?alternative, c?est évidemment l?alternative monétaire. L?année 2006 va-t-elle être celle de la contraction tant attendue des liquidités? ou au contraire sera-t-elle celle de la poursuite des tendances actuelles, voire de l?emballement et de la boule de neige infernale?
La contraction ou, si l?on veut, la modération sont souhaitables et nécessaires: tous les feux sont au rouge. Mais ni l?Asie, ni l?Europe, ni les émergents n?y ont intérêt. Ces partenaires du marché mondial ont un besoin vital de croissance. Les Etats-Unis ont tellement dérivé et donné l?exemple du succès dans la dérive que les autres ne voient aucune raison d?être plus royalistes que le roi.
Dans le système actuel, la notion de bonne gestion est devenue totalement relative. L?Asie, l?Europe et les émergents ont compris au cours de l?année 2005 que celui qui reste relativement vertueux se retrouve à la traîne. Dans ce monde en dérive, gare à celui qui va à contre-courant, il se retrouve le perdant.
Un superinflationniste aux commandes de la Fed
Dans ces conditions, nous faisons le pari suivant. Dans un premier temps, nous allons rester sur les dispositions actuelles caractérisées par l?arrêt du resserrement aux Etats-Unis, un top spéculatif sur tous les marchés, des excès tous azimuts. Ces excès vont effrayer les autorités et on va reprendre les discours de la modération et de la vigilance. On va même certainement donner quelques petits coups de semonce.
Il s?ensuivra une phase de consolidation, puis de correction qui pourrait, selon la crédibilité des propos des régulateurs, durer jusqu?à la fin de l?année 2006. La correction se terminera dès l?apparition de quelques petits frissons, fissures dans l?édifice ou tremblements du château de cartes. Avec Bernanke, superinflationniste aux commandes, avec la perspective de l?élection présidentielle américaine fin 2007, avec la course Chine/Japon/Corée, avec la situation géopolitique fragile, avec les risques de désintégration européenne, il y aura convergence pour remettre de l?huile dans les rouages. C?est-à-dire pour réaccélérer le rythme de création des liquidités globales.
L?année 2006 sera mouvementée et chaotique, mais tout se passera en surface, le fond restera inchangé. Ce sera une année type Greenspan, une année de bulle de plus. De correction, de réduction des déséquilibres, de retour au bon sens, il n?y aura pas. ? (BB)
Angle-L?abominable héritage qu?Alan Greenspan laisse à son successeur Ben Bernanke
L?héritage Greenspan. L?héritage laissé par Alan Greenspan est historique. C?est celui de la mise en place d?une sphère financière distincte, quasi autonome de la sphère économique. Sous Alan Greenspan, la dette négociée sur les marchés américains (TCMD) est passée de 10.000 milliards à 40.000 milliards (+300%).
4 dollars de dette pour créer 1 dollar de PNB
En pourcentage, cette dette représente 325% du PNB américain, contre 220% au départ. Il faut maintenant 4 dollars de dette supplémentaire dans le système américain pour créer 1 dollar de produit national brut. Les actifs financiers américains détenus par l?étranger (ROW) ont progressé de près de 900%, ils atteignent maintenant 9.800 mille milliards. Les Etats-Unis sont devenus totalement dépendants de l?étranger. Le ROW détient 4.900 mille milliards d?instruments de crédits américains, un bond également de 900% sur la période.
Pas étonnant si les officiels américains sont obligés de minimiser le déficit extérieur, le poids de la dette et d?inventer des théories rationalisantes pour que cela dure.
L?héritage repose sur 2 illusions
Au plan intérieur, ce n?est ni mieux, ni plus sain. Les actifs des bilans des banques commerciales ont progressé de 350% avec une envolée de 700% des actifs hypothécaires. Voilà pourquoi tout le monde tient à ce que la bulle immobilière n?éclate pas. Les actifs des Agences comme Fannie et Freddie ont explosé de 850%. Ensemble, si l?on ajoute les dettes des Agences et l?hypothécaire sécuritisé, on arrive à plus de 6000 milliards. C?est ce chiffre qui constitue l?épée de Damoclès de l?immobilier, suspendue au-dessus du système américain. Le système financier est totalement intolérant à un retour à la normale de l?immobilier.
L?héritage de Alan Greenspan, c?est un système dont la sécurité repose sur 2 illusions. La première illusion, c?est le fameux Put Greenspan, soit la promesse qu?il y aura toujours des liquidités quand on en aura besoin. Cette illusion est bien connue.
La seconde l?est beaucoup moins. C?est l?illusion selon laquelle les risques du secteur financier sont assurés. L?illusion que les assurances procurées par les marchés dérivés fonctionneront et que, finalement, tout le monde peut dormir tranquille. Cette illusion a été très peu théorisée et analysée car il est évident que personne n?y a intérêt. D?où d?ailleurs le forcing américain pour qu?il n?y ait pas de transparence. L?idée que les engagements financiers colossaux du système sont assurés fait irrésistiblement penser à la comparaison avec les barrages de la Louisiane. Les initiés savent que cela cèdera un jour, mais personne n?a envie d?en parler et encore moins de s?en préoccuper.
Le barrage Greenspan est peut-être le legs le plus abominable qu?il laisse aux générations futures.
Une dette colossale, impossible à honorer
L?héritage Greenspan, c?est aussi un système nouveau fondé sur la disparition de l?épargne, sur l?émission monétaire accélérée, gagée par des actifs qu?il faut inflater à l?infini. C?est la constitution d?une dette extérieure colossale qui ne pourra bien sûr jamais être honorée et qu?il faudra un jour ou l?autre et d?une manière ou d?une autre euthanasier, voire répudier. Une dette qui, en attendant, détruit la base productive du pays.
Le reste du monde finance les déficits américains. Il accumule les créances et les titres. Tout ceci forme une masse colossale de promesses que pour éviter d?avoir à rembourser, que pour consolider, les Etats-Unis sont obligés de stabiliser. Cette masse de capital accumulé, qui a des droits sur les Etats-Unis, les contraint à l?impératif de rentabilité. Elle les force à la productivité, c?est-à-dire aux licenciements, aux fermetures et aux délocalisations. Elle provoque la disparition du vrai système productif et conduit aux développements d?activités telles que les services protégés mais, malheureusement, non commercialisables mondialement.
La politique de Bernanke: celle de Greenspan en pire
Contrairement à ce que dit Bernanke, les capitaux du reste du monde ne viennent pas aux Etats-Unis parce que le taux de profit y est meilleur. La causalité est inverse: à savoir que la masse sans cesse galopante de capital accumulé qui a des droits sur les Etats-Unis les oblige à un taux de profit exorbitant, disproportionné, qui les force à l?efficacité et donc à la désindustrialisation. Pour maintenir la confiance de ces capitaux et pouvoir continuer le système, les Etats-Unis sont condamnés à la productivité à perpétuité.
L?héritier d?Alan Greenspan, c?est Bernanke: celui qui mènera la même politique, certainement en pire d?ailleurs. Il n?y avait pas d?autre choix. Il lui faudra assumer. Il a déjà commencé. Qui a remarqué, par exemple, qu?il avait nié ces derniers jours l?existence d?une bulle immobilière? Le problème de Bernanke ce sera de trouver de nouveaux moyens d?inflater. Où diable pourrait-il trouver une nouvelle bulle à constituer alors que l?on a déjà fait la technologie, les obligations, l?immobilier, les matières premières?
Il y a encore des possibilités, mais elles ne sont pas à la hauteur du défi qu?il faudra relever. Il y a, c?est vrai, encore l?agriculture, de nouveaux et gigantesques programmes d?armement ou de découvertes spatiales. Mais les ordres de grandeur ne paraissent pas à la hauteur. ? (BB)