ATTENTION certains graphiques peuvent choquer les lobbyistes sensibles.
A ce jour la France, irréductible village gaulois de l’immobilier déconnecté des revenus, se démarque de certains pays de l’OCDE qui ont largement entamé la purge des excès de la bulle de crédit et de l’immobilier.
Même si cette bulle est une des plus énormes de l’histoire récente, les cycles immobiliers sont lents et les baisses de prix en immobilier se comptent généralement en années et les taux annuels de baisse sont généralement à un seul chiffre. C’est peut-être désespérant pour beaucoup de membres impatients de ce forum mais cette lenteur à la baisse est une réalité du marché immobilier.
Pour les frigitto-maniac (dont je fais partie) vous trouverez des éléments de comparaison de la courbe fétiche prix-revenus avec ce qui s’est passé dans les autres pays baissiers.
La baisse façon lente et inexorable agonie :
Rendons hommage au pionnier de l’éclatement de la bulle, le Japon, qui connait un dégonflement très lent mais très constant depuis plus de 20 ans des prix de l’immobilier résidentiel :

Source: Japan Real Estate Institute - Urban land price index – Residential http://www.stat.go.jp/data/nenkan/zuhyou/y1712000.xls
Pour les lobbyistes de l’Ile de France qui l’auraient oublié, le Japon est un petit archipel avec une densité de population très élevée (3 fois celle de la France) et était la seconde puissance économique depuis des décennies avant de laisser sa place à la Chine il y a un an (Cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ ... population)
Au seul vu de la démographie du Japon, ce pays n’est pas prêt de connaître une remontée des prix, c’est d’ailleurs essentiellement cet élément « fondamental » qui dirige les prix au Japon (à la baisse). Voir la courbe ci-dessous avec les estimations démographiques du ratio actifs/inactifs du japon : courbe en noire qui s’enfonce.

Source : Hypostat rapport 2009 sur les crédits et marchés immobilier http://www.hypo.org/Content/Default.asp?pageId=524
Si on regarde le ratio prix-revenus il avait déjà atteint un plus bas de 35 ans en 2005 :
Courbe pointillé rouge = Price to income ratio Courbe noire = Price to rent ratio, rapport entre les prix de vente et les loyers (voir également le site de Marc Candelier pour son étude sur les prix et les loyers pour la France http://www.marc-candelier.com/article-i ... 71957.html)

Source : rapport OCDE sur l’évolution des prix immobilier de 1970 à 2005
http://www.oecd.org/officialdocuments/p ... anguage=En
Les taux d’intérêt ont pourtant toujours été maintenus à des plus bas artificiels au prix d’un surendettement massif de l’état qui est maintenant de plus de 200% du PIB (cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_p ... e_publique), l’endettement des ménages restant à peu près stable (mais très élevé de l’ordre de 100% des revenus, (cf études de la Banque de France). Et pourtant on nous raconte régulièrement que le Japon va aider des pays comparativement moins endettés comme la Grèce

La baisse façon Krach violent :
L’Irlande fait face à un véritable krach immobilier depuis septembre 2007 et a encaissé en moins de 4 ans la baisse que le Japon a mis 20 ans à réaliser, avec chaque année un taux actuariel de baisse exceptionnel à 2 chiffres (-13,5% par an sur la période)

Source gouvernementale http://www.cso.ie/ (Institut national de la statistique en Irlande)
Ce krach suit une énorme bulle immobilière qui s’est nourrie en grande partie de la bulle de crédit et des hausses (plus modérées) des revenus.
Si on compare à notre Friggit national, le ratio prix nationaux en Irlande ramenés aux revenus s’était propulsé à des niveaux record assez proches des niveaux parisiens actuels. Mais cela n’a pas tenu…maintenant à Dublin on solde l’immo à moitié prix.

Source : rapport OCDE sur l’évolution des prix immobilier de 1970 à 2005 http://www.oecd.org/officialdocuments/p ... anguage=En
La baisse sensible malgré les mauvaises politiques :
Au pays de la crise des « subprime » le prix des maisons baisse sensiblement et régulièrement malgré les différents plans monétaires irresponsables de Bullish Bubble (alias Ben Bernanke)

Source gouvernementale : http://www.fhfa.gov/Default.aspx?Page=87
Par rapport à notre Friggit national, les USA ont été finalement moins exubérants ; c’est du côté du surendettement cumulé (immobilier + consommation) et des taux qu’il faut chercher les principales causes de la bulle puis de la purge.
Courbe rouge= Prix immobiliers rapporté aux revenus (courbe noire= Price to rent ratio)

Source : rapport OCDE sur l’évolution des prix immobilier de 1970 à 2005
En Espagne, pays qui s’entête à accorder des stimuli fiscaux


Source : Sociedad de Tasación http://web.st-tasacion.es/html/menu6.php
Si on compare à notre Friggit national, le ratio prix espagnols ramenés aux revenus s’était envolé à des niveaux comparable à ce que l’on connait en Ile de France, voir la courbe OCDE de 1970 à 2005.
Courbe rouge = Prix immo rapporté aux revenus

En Grèce – le premier naufragé officiel de la zone Euro – l’immobilier baisse depuis moins longtemps mais il baisse lentement mais sûrement ce qui démontre encore une fois que l’immobilier n’est en rien une valeur « refuge » en cas de crise de l’endettement comme celle que nous connaissons.

Source gouvernementale : Banque centrale de Grèce http://www.bankofgreece.gr/Pages/en/Sta ... fault.aspx
Les plans de rigueur successifs adoptés par la Grèce en 2010 et 2011 ne se feront sentir pleinement qu’en 2012 ce qui devrait accélérer la baisse de l’immobilier par déflation des revenus et de l’épargne pour quelques années.
Palmarès et Résumé
On peut résumer ces éléments en regardant la baisse cumulée des prix de l’immobilier depuis leur sommet dans chacun de ces pays (les chiffres de base sont issus des sources listées plus haut):

En isolant les notions de durée de la baisse des prix, et vitesse moyenne de la baisse cela donne :

NB : L’échelle des abscisses est bien en années…

Le taux annualisé de baisse revient à lisser la baisse depuis le sommet de la bulle et donne la contre-performance ou « taux actuariel » de baisse annuelle d’un « placement » immobilier sur la durée de baisse jusqu’à aujourd’hui. A transmettre aux derniers investisseurs Scellier

Pour les amateurs de plus-values immobilières (taxées ou pas…) on peut également remonter le temps pour savoir en quelle année les niveaux de prix étaient équivalents à ceux de juin 2011. Cela revient à savoir avant quelle année un vendeur de juin 2011 devait avoir acheté son bien pour retrouver sa mise et ne pas faire de moins-values sur ce bien (en monnaie courante…)

Au Japon, 30 ans de moins values immobilières c’est du solide

Et cela ne fait que commencer pour les nouveaux venus européens de ce palmarès des moins-values….
Quid des précédentes crises immobilières ?
L’OCDE a étudié les principaux cycles baissiers entre 1970 et 2005. Tout d’abord on constate une forte corrélation entre les cycles immobiliers et les cycles économiques depuis 1975 (sauf pour la bulle naissante de 2000-2005). La courbe en noire ce sont les prix immos agrégés ramené à leur tendance longue ce qui mesure les cycles immobiliers, la courbe en rouge ce sont les variations de l’agrégat des PIB en SPA et elle mesure les cycles économiques.

Source Rapport OCDE sur les prix immobiliers de 1970 à 2005
et une forte simultanéité des boums immobiliers dans 17 pays de l’OCDE depuis 1975 sur une période de 5 ans

Implicitement cela illustre l’absence d’exception française, on a juste parfois quelques années de décalage sur un cycle.
La corrélation entre la démographie et la hausse des prix (sur la période 1995-2004) est également illustrée en regardant la part de la population en âge d’acheter et les prix:

Source : rapport OCDE
On constate que la démographie – élément fondamental - peut pousser les prix vers le haut en Espagne et surtout en Irlande (immigration de trentenaires actifs), et vers le bas au Japon et en Allemagne. Du point de vue du facteur démographique la France est très proche des Etats-Unis. Sur la période 1995-2004 l’évolution – à la hausse - des prix en France et aux Etats Unis a été comparable depuis on a réussi à faire pire

Plus c’est court plus c’est dur :
Intuitivement on peut penser que plus la baisse dure longtemps plus elle est faible annuellement, et plus la correction est courte plus elle est forte annuellement. Ce phénomène a déjà été observé de façon assez pertinente sur l’ensemble des précédentes crises immobilières. Si on se focalise sur les phases de fortes baisses qui suivent toujours les gros booms immobiliers (sauf dans le monde virtuel de Bullish Bubble) on retrouve indirectement la règle intuitive « plus ça baisse vite plus le temps est court ».
Pour chaque cycle baissier représenté par l’acronyme du pays et sa période (ex FRA91-97 pour la baisse en France de 1991 à 1997) l’OCDE a illustré la relation entre :
1. La durée de baisse des prix et le taux d’inflation (qui détermine le taux des emprunts)
2. Le taux annuel de baisse et le taux d’inflation (qui détermine le taux des emprunts)

Source : rapport OCDE
On constate facilement que :
1. Plus les taux sont faibles plus la baisse est lente mais plus elle dure longtemps.
2. Plus les taux sont élevés plus la purge est rapide mais violente
On retrouve à peu près les mêmes constations sur le cycle de purge de la bulle actuelle dans l’OCDE.
Quel scénario pour la baisse en France ? Agonie – Chute – Krach ?
Seul l’avenir le dira.
Par contre le passé récent des autres pays indique qu’on n’échappe pas à la baisse:
1. Qu’une politique monétaire « ultra laxiste et bullish » comme aux USA ne peut pas empêcher le dégonflement (à transmettre à Mario et à la BCE)
2. Que le maintien d’une politique fiscale « pro-immobilier » et le maquillage du bilan des banques comme en Espagne ne peut pas empêcher le dégonflement
3. Qu’un krach bancaire accompagne un krach immobilier comme en Irlande et que hausse record rime avec baisse record
Si on veut jouer « Nostradamus de l’immobilier » on peut regarder l’évolution des 5 paramètres fondamentaux – en simplifiant à l’extrême - qui contribuent chacun à la hausse/baisse annuelle des prix sur un cycle:
1. Evolution de la démographie
2. Evolution du revenu des ménages
3. Taux d’intérêts
4. Fiscalité
5. Psychologie des vendeurs et acheteurs
Pour la France seul le premier paramètre restera un peu inflationniste sur la décennie à venir, les autres sont déjà en phase de retournement plus ou moins forte, à l’exception de la psychologie mais elle suivra et amplifiera la baisse.
A suivre….