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par GOLD » 20 nov. 2005, 19:57
Voici le texte precedemment promis à Muriel, sur le "pool" de l'or ou comment les etats ont voulus controler la chose aurifere et la finale demonetisation de l'or
L'évolution du système sera fonction de l'économie nationale de la monnaie-pivot, celle des États-Unis, et de la compensation des créances et des dettes entre les pays. Après la période d'ajustement d'après-guerre (dévaluation de la livre sterling en 1949, rareté des dollars jusqu'en 1950) les institutions créées à Bretton Woods prirent du temps à s'affirmer. L'importance du Plan Marshall comme bailleur de fonds et de la création de l'Union européenne des paiements (UEP), en 1950, peuvent expliquer ces débuts laborieux. Cet organisme européen de compensation multilatérale des créances contribuera d'ailleurs à isoler les pays européens du reste du monde et à limiter presque totalement leurs recours au FMI. Le retour à un équilibre entre les grandes puissances économiques, la dénonciation de l'UEP, remplacée par l'Accord monétaire européen, et la défiance de plus en plus forte face au dollar allaient rappeler en première ligne le FMI. Mais tout d'abord, il importe de souligner le rôle de la devise américaine et les distorsions qu'ont entraînées cette bilatéralité des paiements dans le système monétaire d'après-guerre.
A. L'importance du dollar
Dans l'ordre économique de l'Après-guerre, la place des États-Unis et le statut du dollar sont centraux. Ne disait-on pas que le dollar était aussi bon que l'or ? Chaque pays s'engageant à fixer et à maintenir la valeur de sa monnaie par rapport au dollar, il se devait ainsi d'intervenir sur le marché des changes pour respecter ses engagements. Mais ces interventions ne se font que contre le seul dollar, unique liquidité possible pour ces opérations. Par exemple, si l'Allemagne et la France assurent séparément leur parité face au dollar, alors la parité entre le mark et le franc est respectée. Le dollar est donc la liquidité internationale, c'est-à-dire celle détenue par les autorités officielles, qui permettait et qui permet encore d'ajuster le taux de change.
Comment obtenir cette devise si fondamentale pour respecter les engagements contractés en devenant membre du FMI ? Sinon en accusant un surplus commercial ou un surplus financier avec les États-Unis. Cela implique de vendre plus aux Américains que l'on achète ou accepter les investissements en dollars. Ce qui revient à dire acheter des dollars avec des marchandises produites ou vendre une partie du patrimoine national. Mais ces dollars ne sont qu'une dette émise par le système bancaire américain. Quelles sont les implications d'un tel état de fait ?
a) Que l'augmentation de la liquidité internationale, le dollar, exigeait un déficit du compte courant ou du compte capital de la balance des paiements des États-Unis. Pour que la liquidité internationale augmente, il faut que les États-Unis aient un déficit extérieur. De ce fait, l'offre des liquidités internationales repose sur les aléas d'une économie nationale, et non sur l'évolution de l'économie mondiale. Dès les années cinquante, grâce aux investissements américains à l'étranger et aux opérations du Plan Marshall, le système est bien alimenté. Le déficit du compte capital des États-Unis n'inquiète pas, il est faible et nécessaire.
b) Que les États-Unis pouvaient payer leurs achats à l'étranger (marchandises, actions, titres) avec leurs' dollars en sachant que ces mêmes dollars ne seraient pas utilisés pour acheter des produits ou titres américains, mais seraient gelés dans les coffres des Banques centrales du reste du monde. Les Américains se retrouvaient dans la situation de pouvoir acheter sans vendre alors que les autres devaient vendre pour acheter. Cette asymétrie parmi les acteurs est source de discriminations défavorables au commerce mondial. Lorsque les dollars seront trop abondants cette dette devra être honorée.
c) Qu'une masse importante de dollars serait détenue par les autorités monétaires autres qu'américaines, par des entreprises et des particuliers et par des banques commerciales. L'émergence des Eurodollars nous a bien montré qu'une telle répartition de la liquidité conduit à une perte de contrôle des flux des capitaux et donc une perte d'efficacité des politiques monétaire et financière, notamment des politiques américaines.
d) Qu'une monnaie de crédit pouvant être créée par des banques privées, celles des États-Unis, devienne la liquidité internationale. Contrairement à l'or qui était un produit, un avoir net, le dollar lui n'est qu'une dette, un passif, un engagement du système bancaire des États-Unis.
Le système d'étalon-dollar-or d'après-guerre, par la rigidité de ses règles, rendait impératif le contrôle des liquidités internationales par les autorités monétaires. En particulier, l'alimentation en dollars devait être rigoureusement surveillée pour contrer tout déséquilibre, ce qui ne fut pas le cas. C'eut été en effet mettre sous tutelle la première puissance mondiale ! Au contraire, on a plutôt assisté à la privatisation de la détention des liquidités internationales.
Comme pour la livre sterling et la Grande-Bretagne après 1918, la détérioration de la position internationale des États-Unis et la santé vacillante de son dollar vont, dès 1960, saper les fondements du Système monétaire international établi à Bretton Woods.
B. Le « Pool » de l'or: le début de la fin
À la fin des années cinquante la quantité de dollars détenus hors des États-Unis devient très importante. De plus, le stock d'or américain devait fondre rapidement, au point que sa valeur était devenue en 1959 inférieure à la valeur des dollars détenus à l'étranger. Chacun des dollars en circulation n'était donc plus garanti par une quantité d'or équivalente. Poussé par les investissements des firmes multinationales américaines et par les engagements extérieurs du gouvernement des États-Unis, cet écart s'accroît rapidement durant les années soixante. Peu à peu, le doute sur la convertibilité du dollar à long terme s'installe.
Les premiers mouvements de spéculation contre la devise américaine devaient provoquer la hausse brutale du prix de l'or sur le marché de Londres, qui atteint près de 40 $ l'once. La trésorerie américaine cherchera alors à casser cette flambée des cours de l'or qui s'écarte trop du cours officiel. Comme les réserves américaines ne peuvent suffire à cette tâche, une mise en commun des réserves d'or s'impose. La création du « Pool » de l'or (1961) est la première réponse défensive pour sauver l'ordre de Bretton Woods. L'adhésion des États européens au « Pool » signifiait implicitement leur acceptation de ne pas convertir leurs dollars en or ; déjà l'inconvertibilité se manifestait. En contrepartie de cette promesse de ne pas convertir les dollars en or, les autorités américaines proposèrent d'échanger ces dollars en bons du Trésor non négociables (les bons Roosa), libellés en dollars ou en monnaie nationale. Cette dernière possibilité, la plus demandée, mettait les détenteurs à l'abri du risque de change du dollar. Au total, en dix ans, près de 18 milliards de dollars furent ainsi neutralisés.
Pour élargir le soutien au dollar mais aussi à la livre, les autorités américaines vont également mettre sur pied un réseau de crédits croisés entre les banques centrales. Ces opérations « swaps » sont des crédits à court terme, des échanges de monnaies destinés à mobiliser des ressources d'intervention sur les marchés des changes. Quelques 10 milliards de dollars furent réunis ainsi dans les années soixante. Ajoutons que l'on procédera aussi durant cette période à deux augmentations générales des quotes-parts, en 1959 et en 1966, et que, en 1962, le FMI sera invité à gérer les Accords généraux d'emprunt (AGE), dans lesquels il n'intervient que comme intermédiaire, autorisé qu'il est d'emprunter auprès de dix pays 6,2 milliards de dollars pour leur fournir les liquidités nécessaires pour contrer les mouvements spéculatifs sur les marchés monétaires. D'abord prévus pour quatre ans, ces accords furent sans cesse reconduits. Ces lignes de crédits réciproques annonçaient la création de nouveaux moyens de règlements entre les autorités monétaires : les DTS. En avril 1993, en vertu des AGE, le FMI avait la faculté d'emprunter l'équivalent de 18,5 milliards de DTS.
Cependant, toutes ces manoeuvres ne suffiront pas à empêcher la chute du dollar. La Grande-Bretagne sera la première à dévaluer sa monnaie de 14,3% en novembre 1967. Les achats d'or contre le dollar se poursuivent néanmoins et vont même en s'amplifiant. Le « Pool » de l'or est impuissant, bientôt c'est la défaite confirmée par la création d'un double marché de l'or, l'un officiel, l'autre privé. Avec deux prix, le prix officiel, toujours fixé à 35 $ l'once, et le prix libre, établi par le marché. La fin du « Pool » marque de fait la fin de la convertibilité du dollar.
C. L'étape des Droits de tirage spéciaux
Après l'échec de la bataille de l'or on assiste à certains réalignements des monnaies. Mais les autorités sont à la recherche de solutions plus permanentes au manque apparent de liquidités internationales. Deux visions s'opposent : créer un avoir international de réserve librement utilisable ou élargir les facilités de tirage auprès du FMI. Le compromis sera la création d'un instrument utilisable entre les membres du Fonds mais limité en quantité, les DTS. Discutée depuis l'assemblée générale de 1966, la création des DTS sera ratifiée en 1969.
Au 1er janvier 1970, un nouveau département, un autre fonds, voit alors le jour au FMI : le compte de tirage spécial. Ce compte donne aux pays membres des droits de tirage sur ce compte spécial, d'où le terme des Droits de tirage spéciaux ou, sous sa forme abrégée, à des DTS. Ces nouvelles possibilités d'emprunts ou de tirages sont séparées de celles du compte général ; elles ne font l'objet d'aucune souscription, ces possibilités ne sont que des reconnaissances de dettes entre membres du FMI. Ici encore le total de DTS que peut utiliser un pays est fonction de sa quote-part. Le membre qui accepte, reçoit l'allocation d'un certain nombre de droits de tirage spéciaux. Depuis 1970, le FMI a procédé à six allocations de ces droits, dont la dernière en 1981, pour un total de 21,5 milliards d'unités de DTS. Quelle valeur donner à ces DTS ? Tout simplement la même valeur qu'avait le dollar en 1947 soit 1/35e d'once d'or (1 DTS = 0.888671 g d'or fin). Aujourd'hui, la valeur unitaire de chaque DTS est égale à la moyenne pondérée de la valeur de certaines monnaies. Ce panier de monnaies de référence est formé actuellement du dollar américain, du yen japonais, du franc français, du mark allemand et de la livre sterling.
L'objectif essentiel de ces tirages spéciaux était de créer un nouvel instrument de liquidité internationale qui serait accepté par les États membres dans un contexte de spéculation contre le dollar et de relative pénurie de moyens de paiement. Ainsi, un État pourrait obtenir, en cas de besoin, des monnaies convertibles en échange de ses DTS pour équilibrer sa balance des paiements et ce, de façon automatique et inconditionnelle mais avec des modalités de rachat précises et déterminées dans le temps.
Les DTS reposent donc sur une création ex nihilo et non pas sur un fonds prédéterminé, comme les premiers tirages du FMI. Cette qualité donne-t-elle aux DTS un statut de monnaie, d'une nouvelle monnaie internationale, proche des bancors de Keynes ? Non, car les DTS ne sont que des fictions comptables créées ponctuellement pour faciliter des transactions entre banques centrales uniquement et non des liquidités provenant des engagements d'une institution centrale, émises progressivement en fonction d'une demande de l'économie et destinées à circuler. De plus, aucun mécanisme de destruction des DTS n'existe. En effet, contrairement à toute monnaie scripturale, une fois l'allocation accordée elle reste à l'actif du pays membre. Certes les DTS ont constitué une forme de liquidité au service des autorités monétaires, mais jamais ils ne se sont substitués aux monnaies nationales et en particulier au dollar comme intermédiaire des échanges, comme réserve de pouvoir d'achat et encore moins comme mesure des valeurs. En effet, un DTS n'est que la valeur pondérée de cinq monnaies nationales. Les DTS ne peuvent donc pas jouer le rôle d'homogénéisateur des monnaies nationales propre au statut de monnaie centrale, ni non plus de régulateur des flux d'investissement. Mais un autre mal va venir précipiter et confirmer l'écroulement des accords monétaires de Bretton Woods.
D. Les mesures Nixon : vers le deuxième amendement
Au printemps 1971, pour la première fois depuis 1893, le compte commercial des États-Unis affiche un déficit. Joint à celui du compte capital, une telle situation exerce une pression insoutenable sur le dollar. Dès le début du mois de mai 1971, la fuite devant le dollar s'accélère. Devant la frénésie d'achats de deutsche marks contre des dollars, les autorités allemandes instituent un système de change flottant. Bientôt, elles sont suivies par l'Autriche et la Suisse. Dans les semaines suivantes, les spéculateurs continuent de diriger vers l'Europe et le Japon des quantités de plus en plus grandes de dollars. La crise du dollar conduit le président Nixon à prendre, le 15 août 1971 un ensemble de mesures d'ajustement. Pour relancer l'économie américaine, un blocage des prix et des salaires est instauré et la taxe de vente de 7% sur les automobiles est abolie. D'autres mesures sont prises parallèlement pour rétablir la situation extérieure : l'instauration d'une surtaxe de 10% sur les importations, la suspension de la convertibilité du dollar en or et le flottement du cours du dollar. Cette dévaluation indirecte de la devise américaine sonne le glas du système et déclenche une guerre commerciale et monétaire, ce que devaient justement empêcher les Accords de 1944.
Ce coup de force allait entraîner le flottement généralisé des monnaies. Des négociations sur un nouveau système de parités conduiront à confirmer la dévaluation du dollar de 7,89% (de 35$ à 38$ l'once d'or), mais la convertibilité n'est pas rétablie. Les Accords de Washington entérinent également la réévaluation des autres grandes monnaies par rapport au dollar (8,57% pour la livre et le franc, 13,5% pour le mark et 16,8% pour le yen). Les parités fixes sont aussi remises en vigueur mais avec une marge de fluctuation plus large (± 2,25% par rapport à la parité au lieu de l'ancien ± 1% ).
La défiance face au dollar et la volonté des Européens de se protéger d'une nouvelle tourmente monétaire seront à l'origine, au printemps 1972, des Accords de Bruxelles-Bâle et de la création du serpent monétaire européen, avec pour objectifs de tenter de retirer au dollar son rôle de monnaie de compte dans la CEE et de la remplacer par l'Unité de compte européenne (UC) définie à 1/35 d'once d'or ; c'est l'ancêtre de l'ECU (1978). Les Accords prévoyaient aussi une marge de fluctuation entre les monnaies de la CEE plus étroite de la moitié de celle édictée par les accords de Washington. La Grande-Bretagne décidera d'appliquer volontairement ces accords, même si elle n'est pas encore membre de la CEE.
Les États-Unis n'arriveront pas à rétablir l'équilibre extérieur de leur économie et la spéculation contre le dollar continuera. Le 13 février 1973, le dollar est dévalué une seconde fois ; de plus de 11% (de 38 $ à 42,22 $ l'once d'or). L'instabilité générale domine, renforcée par le premier choc pétrolier, ce qui conduit au deuxième amendement des statuts du FMI adopté à Kingston en Jamaïque en 1976 et en vigueur le 1er avril 1978. En fait, la Charte monétaire de Bretton Woods n'existe plus. Les DTS deviennent l'unité de compte officielle du FMI et l'or est démonétisé : l'or n'homogénéise plus les monnaies entre elles. La permanence des paiements, par l'équilibre des balances des paiements, sera dorénavant de plus en plus difficile à obtenir. Elle sera maintenant basée sur des négociations bilatérales ou régionales. Les mécanismes autorégulateurs de l'étalon-or sont plus que jamais de pures abstractions.