Inflation
Je force le trait en parlant d'hyperinflation.
Nous sommes trop civilisés pour connaître une hyper-inflation (inflation de + de 50% par mois) c'est-à-dire que les décisions par excès d'incompétence qui y conduisent ne seront pas prises.
Les générations récentes ne connaissent pas vraiement l'inflation, il faut avoir été adulte en 70's pour cela. Du 10 à 15% est possible, pour ceux qui n'en ont pas l'expérience, c'est beaucoup.
Que se passerait-il si, demain, ma banque efface mes dettes ?
Eh beh je fais la fête, je pars en vacances, je change la télé, etc.
Si un état utilise la monétisation, ce sera pareil : plus facile de claquer le pognon, de dire oui aux cortèges de manifestants en payant.
Donc monétisation > injection de cash dans l'économie réelle > inflation
Il y a 4 moyens de solder une dette, pour les entreprises, les particuliers, et les états :
*** le remboursement
C'est l'idéal. C'est heureusement assez courant.
Et comme c'est courant, parfois, la vigilance des prêteurs baisse, ils prêtent trop à des emprunteurs un peu trop "cigales" qui empruntent trop. Puis l'emprunteur a du mal à rembourser (voir les subprimes, au hasard).
*** la disparition de l'emprunteur
Une entreprise qui ne peut pas rembourser, elle "fait faillite", il y a une procédure judiciaire pour cela, les différents créanciers (sécu, salariés, fournisseurs, banques) perdent de l'argent, l'entreprise disparaît.
C'est la base de l'économie : les sociétés sont "à responsabilité limitée", c'est-à-dire que, sauf malversations, on ne poursuit pas le gérant et les actionnaires d'une société en faillite jusqu'à vendre la totalité de leurs organes pour essayer de rembourser les créanciers.
Il existe aussi une procédure de faillite pour les individus qui ne peut pas rembourser. S'il ne peut pas "faire faillite" il se suicide, il va sous les ponts, il fuit à l'étranger. En quelque sorte, il "disparaît" aussi. Dans tous les cas, le créancier perd sa créance.
Un état ne peut pas opter pour ces solutions. Il fait défaut et continue d'exister.
Même si la Russie des tsars a disparu, il y a des héritiers de gus porteurs d'emprunts russes qui continuent de payer des avocats pour essayer de récupérer du pognon.
*** la disparition du créancier
Pour les entreprises et les particuliers, les exemples pour cette solution sont à chercher dans les grandes affaires criminelles et mafieuses.
Pour les états, c'est dans les livres d'histoire.
Même si les niveaux de dette sur PIB ont déjà connu par le passé des niveaux plus élevés qu'actuellement, je rapelle aussi que par le passé, les guerres, les révolutions, la prison, la spoliation, etc., étaient utilisées pour régler les dettes.
Heureusement qu'il y a aussi la monétisation.
*** le défaut
Si l'entreprise n'est pas complètement pourrie, le créancier va préférer perdre un peu (au lieu de tout avec une liquidation judiciaire) et accepter un défaut partiel, il va par exemple devenir actionnaire avec la conversion de la dette en actions, etc.
Pour le particulier, aux US par exemple, il fait défaut son son emprunt hypotécaire en donnant les clés de la maison à la banque. Il aura pas le droit de réemprunter pendant 5 ans.
Pour qu'un état fasse défaut, il faut un traité international qui s'impose à tous.
Il y a des fonds vautours qui rachètent des dettes d'états aux finances délabrées, et qui les poursuivent devant des tribunaux internationaux, espérant un renflouement par le FMI par exemple.
Un défaut doit être organisé, c'est à ça que sert le FMI, ou le Club de Paris : les prêteurs et l'emprunteur se mettent autour d'une table et discutent.
Comme pour une entreprise en difficulté, le prêteur accepte de réduire sa créance, et l'emprunteur va faire des efforts. Les efforts d'un état, c'est de virer des fonctionnaires, de réduire son train de vie, d'augmenter les impôts, etc.
Après, on peut être OK ou non avec les mesures du FMI dans telle ou telle crise, l'idée est qu'il faut ORGANISER le défaut, sauf à risquer les gros problèmes diplomatiques.
Le 5ème moyen, réservé aux états qui ont le pouvoir sur leur banque centrale, c'est la monétisation
l'effacement de la dette par la banque centrale. Les prêteurs donnent leurs obligations pourries à la banque centrale, qui leur rend du cash, et la banque centrale abandonne la créance.
Liquidité et insolvabilité
Pour l'instant, c'est de la fausse monétisation via les banques, cela règle le problème de manque de liquidité (il faut emprunter des sous tout de suite pour rembourser l'obligation qui arrive à échéance demain et payer les fonctionnaires en fin de mois), mais cela ne résoud pas le problème de l'insolvabilité.
Si une entreprise, un individu, ou un état peuvent pas payer, ils peuvent pas payer, point barre.
Cela s'appelle l'insolvabilité.
Si mon voisin a besoin de 10000 € parcequ'il a cassé sa voiture, je peut éventuellement lui prêter.
Il est honnête, il a un problème de liquidité, il va me rembourser un peu chaque mois parcequ'il est sovable.
Mais s'il est au RMI et qu'il claque le pognon au casino, qu'il est déjà endetté de 1 000 000 €, il est insolvable.
Et il me semble que c'est ce qui est entrain de se passer pour les états. C'est même une évidence pour le Grèce : elle est insolvable.
Et que les mesures de rigueur risquent d'entrainer une spirale qui accroît l'insolvabilité au lieu de la résoudre.
Donc c'est le défaut partiel qui est envisagé pour la Grèce.
A part le défaut, pour un état, seule la vraie monétisation peut régler le problème de l'insolvabilité.
Et la suite ?
Ben désolé, je radote, mais l'enchainement des évènements est, pour moi, plus que préoccupant.
En mai 2010, on a dit "la Grèce va rembourser", en juillet 2011 "la Grèce fera défaut sur 21%" en Octobre 2011 "la Grèce fera défaut sur 50%". Et le sommet du 9 décembre allait tout régler ? Rigolade !!
Aucun des plans successifs ne répond à la question
"qui va payer" ?
Vous avez vu la dernière du jour ?
L'état Grec recapitalise la première banque Grècque qui a perdu de l'argent à cause du défaut de paiement de l'état Grec !!!!
Non, franchement, ça va durer combien de temps ces âneries ?
Aparté sociale
J'ai déjà exprime mes craintes concernant des mouvements sociaux.
Craintes augmentées avec le printemps arabe, l'été Londonien, et Occupy Wall Street.
Si besoin était, je mets un lien, avec un interview du Directeur Général de l'entreprise Bosch (50 milliards d'€ de CA et 300 000 salariés), donc un gars qui n'est pas un forumeur qui envoie un courrier-des-lecteurs à Marianne au cours d'une insomnie :
les citoyens monteront sur les barricades quand la prochaine tournée arrivera, si par exemple il faut de nouveau recapitaliser les banques
Sortie de l'euro
Il faudra une procédure de sortie de l'euro d'un pays, pour limiter les réflexes de protection de ses ressortissants et la fuite des capitaux , comme l'indique Vincent Benard ci-dessus.
(voir aussi
ce post et
celui-ci issus du même sujet).
Mais la sortie partielle de tel ou tel pays risque d'entraîner un
effet domino catastrophique
La problème est que l'on navigue totalement à vue.
La BCE joue à un jeu dangereux
Certes, il y a des mécanismes de régulation et de souplesse (taux de change, dévaluation, monétisation, secours du FMI).
Mais ces trucs sont valables pour des pays libres ou des petits pays.
Et à la limite l'incident diplomatique avec ces pays qui pèsent peu dans l'économie mondiale peuvent rester confinés.
Et, si un défaut organisé est gérable, un défaut désorganisé le sera beaucoup moins.
Quid de la dette étrangère en euro pour la Grèce qui revient à la drachme ?
Mais là, c'est toute l'Europe qui a mis en place une BCE avec des règles qui interdisent les solutions souples, entre des pays à fortes disparités et à fortes identités.
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Donc, ma (re-) conclusion c'est que certaines questions fondamentales (hypertrophie du secteur financier, partage des revenus, déséquilibres de productivité en europe et dans le monde, pilotage des monnaies, modalités de règlement de la dette) ne sont pas réglées, timidement abordées, ou en tout cas à peine en chantier.
La voie du succès citée plus haut en gras me semble donc de plus en plus étroite.
En attendant, heureusement, la BCE maintient le système en survie, malgré ses principes.
J'espère que c'est ma nature plutôt pessimiste, mes limites de compréhension, et mes sources d'influences qui m'inspirent ces sentiments. J'espère que je me trompe. Il faut désormais que je guette les signaux positifs.
Je ne crois pas avoir grand chose d'autre à ajouter pour le moment.
Se préparer au pire. Espérer le meilleur. Prendre ce qui vient.