Point de vu intéressant :
Le cercle des echos, Minxin Pei :
Pourquoi la Chine ne peut s’adapter
Dans la mesure où les exportations et l’investissement contribuent respectivement pour 30% et 40% du PNB de la Chine, son économie est particulièrement vulnérable au fléchissement de la demande externe et à l’accumulation des prêts non performants provoqués par des dépenses excessives et dispendieuses en actifs fixes.
Mais la vulnérabilité de la Chine à ces facteurs, aussi sérieux qu’ils puissent être, est symptomatique de problèmes institutionnels plus profonds. Tant que ces problèmes sous-jacents ne seront pas traités, les discussions autour d’un modèle fondé sur la consommation en Chine, mentionné dans le douzième plan quinquennal récemment voté, ne seront que vaines paroles.
Mais il y a une autre explication pour la trop forte dépendance de la Chine sur les exportations, une explication qui concerne plus la faiblesse des institutions économiques et politiques du pays. Plus précisément, la dépendance sur les exportations est en partie le reflet de la grande difficulté à faire des affaires en Chine. La corruption officielle, les droits de propriété précaires, les étouffantes contraintes règlementaires, le manque de discipline dans les paiements, la faiblesse des réseaux logistique et de distribution, la contrefaçon généralisée, et la vulnérabilité à d’autres formes de vol de la propriété intellectuelle : tous ces obstacles augmentent les coûts de transaction et rendent difficile l’essor des entrepreneurs sur les marchés intérieurs.
Par contre, si les entreprises privées chinoises vendent à des multinationales occidentales, comme Wal-Mart, Target, ou Home Depot, ils n’ont pas à s’inquiéter pour ce qui est d’être payé. Ils évitent tous les casse-têtes auxquels ils sont confrontés chez eux, parce que les institutions économiques bien établies et les pratiques commerciales de leurs marchés d’exportation protègent leurs intérêts et réduisent grandement les coûts de transaction.
Face à un environnement aussi hostile, les entrepreneurs privés chinois ont été forcés de pratiquer un « arbitrage institutionnel » - en tirant avantage des institutions économiques occidentales efficientes pour développer leurs affaires (la plupart des entreprises tournées vers l’exportation appartiennent à des entrepreneurs privés et à des compagnies étrangères.)
L’impossibilité de soutenir la croissance en l’absence d’autorité de la loi et de responsabilité politique pose un dilemme existentiel au Parti Communiste chinois. Depuis qu’il a écrasé le mouvement pro-démocratie sur la place Tiananmen en 1989, le parti s’est refusé à rendre son monopole politique. Le boom des investissements et les dividendes de la globalisation des vingt dernières années ont permis au parti de préserver sa part du gâteau et de le manger – en maintenant son pouvoir fondé sur la prospérité économique, tout en ne parvenant pas à mettre en place des institutions déterminantes pour maintenir une telle prospérité. Aujourd’hui, ce n’est plus possible.
Donc dans un sens, la bulle chinoise – une bulle intellectuelle et politique autant qu’économique – a éclaté. Au fur et à mesure que le ralentissement économique exposera plus encore ses vulnérabilités structurelles et ses politiques biaisées, la notion tant louée « d’exception chinoise » – une Chine qui continue à croitre sans autorité de la loi ni aucune des autres institutions présupposées d’une économie de marché moderne – s’avèrera n’être rien d’autre qu’une illusion.