guyomette a écrit :Et bien, on arrive au cœur du problème...
Jeffrey a écrit :
Injecter de l'argent dans l'économie. En voilà une belle obsession. Vive l'économie. Encore faudrait-il prouver que 100 personnes disposant d'un million injecteront plus d'argent dans l'économie qu'une seule personne disposant de 100 millions.
Jeffrey, je serais d'accord avec ta critique, mais dans d'autres affirmations tu célèbres l'économie. "Elle" ne saurait être critiquable quand il s'agit d'une redistribution qui effectivement peut (ou pas) provoquer de la demande, et d'un autre côté, être saine quand il s'agit d'accumulation du capital. Ces deux processus ne possèdent pas plus ni moins de valeur morale intrinsèque.
Il y a une escroquerie énorme sur ce qu'on appelle accumulation de capital. Je dis sans ambages qu'il y a une escroquerie intellectuelle dont sont coupables les gens comme Piketty par exemple. L’analyse qu’on lit ici est celle plus ou moins fabriquée par des idéologues qui ne s’embarrassent pas de bien détailler les concepts utilisés.
Quand on comptabilise les patrimoines des grandes fortunes, c'est un exercice comptable. Il ne peut pas avoir le même sens que l'exercice comptable des ménages standard.
Au delà d'un certain seuil, l'accumulation de patrimoine n'est pas incompatible avec la prospérité économique de tous.
Au risque de paraître scolaire, je vais illustrer par un modèle simple. Ce modèle n'est destiné qu'à faire comprendre qu'ici vous réalisez des amalgames qui alimentent les frustrations populistes.
Monsieur et madame Durand ont un patrimoine nul, ils touchent 2000€/mois à deux, ils n'épargnent rien.
Monsieur et madame Dupont ont un patrimoine de 100000€, ils touchent 6000€/mois à deux. Ils épargnent 10000€ par an. Au bout d'un an, ils ont placé les 10000 € sur des livrets A ou des pel.
Monsieur et madame guillaume Portail ont un patrimoine de 1 milliard répartis sur 10 sociétés de capitaux respectifs 100M€, chaque société emploie 10000 personnes; ils font des bénéfices à hauteur de 10%; Ils en profitent pour financer une 11e entreprise de valeur 100 millions et embauchent 10000 personnes. Le comptable de M. et Mme Portail inscrit scrupuleusement à la fin de l’année que le patrimoine des Portail s’est accru de 10%
Pendant ce temps, le journal du nouvel Obs, ou Patrimoines ou ce que vous voulez fait un papier qui relève cette augmentation de richesses des Portail et on discute ici de l’absurdité de l’accumulation de richesses. D’ailleurs, dans les 10 premières usines des Portail, on critique l’enrichissement du patron qui n’a pas augmenté ses ouvriers alors que sa richesse a pris 10%.
Certes, monsieur Portail est immensément riche. Certes, il est le plus riche de la planète.
Mais il y a une différence entre accumuler et immobiliser.
Il y a une différence entre épargner et investir ses bénéfices. Croyez vous que M. Portail épargne ?
Pendant ce temps, sur le forum, dans l’atmosphère d’indignation légitime du petit peuple à qui on explique que les riches sont injustes parce qu’ils sont riches, on lit ceci
Bien sur, mais peut être qu'il y a d'autres effets. Par exemple mon petit doigt me dit que la ruine Bettencourt va moins investir dans des projets grandioses que le PDG de Virgin ...
Mon petit doigt à moi me dit que Lilianne ne gère pas elle même sa fortune, peut-etre n’est-elle pas en mesure de placer son dentier dans sa bouche, alors ses milliards.... Je crois même savoir que certains ont essayé d’en profiter et que la justice met son nez dedans.
La répartition actuelle de la concentration de richesse n'est pas optimale. Loin de là. L'héritage postule que l'héritier est autant utile à l'économie que l'était ses ancêtres et à en voir la brochette française, on peut avoir un gros doute.
Héritage ? de quoi on parle là ?
L’article de Boursorama cite les cinq plus grosses fortunes mondiales.
n°1 Bill Gates, fils de ? quelle plus grosse fortune son papa lui a laissé gérer par héritage ?
n°2 Carlo Slim, fils de Julian Slim, origine libanaise émigrant mexicain à l’âge de 14ans.
n°3 Warren Buffet, fils de Howard Buffet, courtier en bourse
n°4 Armancio Ortega, fils de cheminot, abandonne l’école à 13 ans.
n°5 Larry Ellison, de père inconnu, élevé dans le ghetto juif de Chicago par son oncle.
n° 6 et 7, les frères Koch, fils d’un immigrant hollandais...
places 8 à 12, ah des héritiers, il était temps. La famille walton, le papa était fondateur de Wallmart et fils de fermier lui même.
Il y a 20 ans de cela, les plus grosses fortunes au monde, c’était le Sultan de Brunei, la reine d’Angleterre et le roi du Maroc. C’était donc mieux avant ?
En outre la concentration excessive du capital finit aussi par avoir des effets pervers (étouffement de toute concurrence, c'est bien connu).
C’est bien connu par qui ? moi on m’a appris d’autres choses à l’école, comme par exemple ne pas confondre la micro économie et la macro économie. Ce qui est justement l’amalgame qui est fait ici entre les richesses des ménages et la gestion des patrimoines des plus grosses fortunes mondiales;
On m’a aussi appris à faire la différence entre une situation de monopôle, de quasi monopôle et de libre concurrence. On m’a d’ailleurs expliqué à cette occasion que les situations de monopôle ou de quasi monopôle sont moins pénibles pour les salariés que les situations de libre concurrence.
Enfin, concentrer l'argent ça peut se faire avec chacun mettant ses 10k dans un fond commun (en banque) et qu'un type choisit pour sa compétence plus que sa naissance décide , lui , du projet à faire avec la richesse accumulée. Il n'y a pratiquement aucune justification à concentrer cette richesse sur des individus.
Je ne reviendrai pas sur l’argument de la naissance, suffit de lire les exemples ci-dessus.
Sur la question de ce que chacun fait avec son argent, je signale que Bill Gates a reversé la moitié de sa fortune dans une fondation. Je me demande ce qui se serait passé si sa fortune avait été divisée en 1000 petits morceaux ...
Enfin, sur la possibilité de mettre son argent dans une banque et qu’un type choisi pour sa compétence plutôt que pour sa naissance décide, je dirais “so what ?”
Le PDG de la Société générale s’appelle Oudéat, il est polytechnicien (école ouverte sur concours), fils de médecin et d’une chercheuse. serait-il parachuté là par papa maman ?
Le DG de la BNP s’appelle Bonnafé, il est polytechnicien ingénieur des mines (école accessible sur concours), fils d’ingénieur EDF. serait-il parachuté là par papa maman ?
Le PDG de LCL s’appelle Chifflet, il a commencé sa carrière comme magasinier en usine. serait-il parachuté là par papa maman ?
Enfin, je comprends très bien qu’on critique une société dans laquelle les plus grandes fortunes sont fils d’immigrés, de fermiers à deux générations, où les banquiers ont passé des concours. C’était sans doute mieux à une époque où les grandes fortunes étaient les têtes couronnées, là on n’était définitivement pas du même monde. Maintenant, les réussites individuelles soulèvent des frustrations plus facilement. On pourrait être à égalité, donc on rumine plus...
guyomette a écrit :
Si ces 10 millions sont répartis sur 1000 personnes (on parle des 0.1% les plus riches non ? ), alors chacun dispose de ... 10 000 euros. C'est cool, ça permet de créer des emplois investir dans des sociétés et des projets[/barre] ...
La concentration des capitaux a un sens en économie. Toute analyse qui rapproche les extrêmes est vide de sens. Ce n'est pas un problème de vase communiquant. C'est une vision trop simple du problème économique.
Tout ce que tu dis serait sans doute juste, si tu posais la question des limites internes à ce modèle :
Exemple : créer des emplois... sociétés, projets... Oui, en théorie ça colle.
Sauf que en vrai là, non, côté emplois, par exemple.
IL y a une intoxication permanente de l’opinion publique. Si on tape dans google “nombre de travailleurs dans le monde”, il est quasiment impossible de trouver un lien qui n’ajoute pas l’adjectif “pauvre”.
Les travailleurs sont pauvres, presque par définition.
Pourtant, selon l’observatoire sur les inégalités, le nombre de personnes vivant sous le seuil d’extrême pauvreté a diminué de 30% en 10 ans dans le monde entier.
En réalité, il y a un appauvrissement des travailleurs des pays riches, un alignement consécutif à l’égalisation des niveaux de vie. Tout est question du point de vue local d’observation.
Bon, tu peux botter en touche et me répondre que sans cette concentration du capital, ce serait pire...
Pour prouver qu'il n'existe pas du tout de "problème de vase communicant", on va pas pouvoir se contenter d'un débat avec Pier et Wolfgk, on va devoir sortir TOUTE la littérature de ces dix dernières années qui tentent de démontrer exactement l'inverse (et la littérature adverse).
Non, je ne botte pas en touche, je dis qu’on ne regarde pas comment le système fonctionne en analysant ses extrêmes, l’intention est détournée.
En tout cas, si mon soit-disant client, qui est en fait mon patron (salariat dissimulé) se privait de très exactement 1800 E trimestriel, au lieu d'accumuler son capital sous forme d'immo entre autres, j'aurais droit à une protection sociale correcte. L'accumulation du K, a en effet un sens pour lui : "prendre ce dont il n'a pas besoin à quelqu'un qui en a besoin". Et encore, il ne fait pas partie des très riches...
Tu dis exactement comme moi alors. Ce n’est pas la fortune de Gates qui donne une indication sur l’état de la société. Ce n’est pas l’héritage qui est source de problème, c’est la préservation ou la mise en place de mécanismes de protection sociale. Devrais-je rappeler que la sécu n’est pas une invention des entreprises et encore moins de l’état ? Faut-il reparler de 1945 ? La question n’est pas l’accumulation de richesses, la question est la place de l’état par rapport aux intérêts privés. Ce n’est pas la transmission du patrimoine privé. Est-ce que l’organisation de l’état est supérieure aux intérêts privés ou pas.
C’est aussi, qu’on le veuille ou non, la question du système politique, du fascisme, du fédéralisme à l’opposé, des frontières, de la préservation des modes de vie.
L’héritage, le mérite, n’ont rien à voir. C’est un discours d’envieux.
guyomette a écrit :
"Refuser les extrêmes" a en outre cet autre inconvénient (non assimilable au reste ci-dessus) :
les très grandes inégalités -quand bien même seraient-elles économiquement justifiées, ce qui n'est, ici, pas prouvées- constituent des sociétés clivées, dures, violentes. C'est ce que De Gaulle, son "pote" Malraux et le CNR avaient compris.
On voit où on en est...
Voilà, je suppose que ça va barder
, mais c'est pas parce qu'on est pauvre qu'on doit la boucler.
Ben disons que là justement, DeGaulle, c'est pas trop mon pote; C'est un militaire de carrière quand même
Plus sérieusement, on entre justement dans une ère où les inégalités sont gommées. Mais les inégalités sont mondiales, dans une société mondialisée. Encore 600 millions de personnes dans le monde vivent avec moins de 2$ par jour, alors que nos fringues sont fabriquées en Asie, nos portables aussi, les ressources minières exploitées en Afrique, la viande produite en Argentine...
Nous sommes une société riche, nous vivons avec les plus grandes inégalités que la terre n'ait jamais porté. Il faut faire des choix. Soit on accepte d'acheter des téléphones fabriqués à l'autre bout de la planète et on accepte aussi d'abaisser la valeur travail de nos ressortissants, soit on revient en pseudo autarcie et on tente de préserver le niveau de vie. Entre la couronne d'épines blanches et la rouge, il faudra bien choisir.