Réforme du Code du travail : les points sensibles pour les syndicats
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"L'extension du «CDI de chantier» ou «CDI de projet»
Parmi les mesures envisagées, l'extension du «contrat de chantier» est plébiscitée par le Medef. Sans terme précis, le CDI de chantier, fréquemment utilisé dans les travaux publics et le bâtiment, est voué à prendre fin lorsque s'achève la mission pour laquelle le salarié est engagé. «C'est un contrat qui existe déjà. On ne le rajoute pas. Je suis attachée à la réalité du terrain. Les entreprises n'ont pas toutes la même réalité. Il faut s'y adapter. (…) La règle, l'objectif, a-t-elle toutefois souligné, c'est quand même le CDI», a justifié la ministre du Travail sur RTL ce mercredi matin. La CGT s'oppose à «l'instauration de contrats de mission, de projet ou de chantier, pour l'ensemble des salariés d'un secteur d'activité» car elle y voit «la fin du CDI pour toutes et tous». La généralisation du CDI de chantier divise FO. Son secrétaire fédéral Michel Beaugas dénonce une «précarité non compensée par une prime quelconque», alors que Jean-Claude Mailly pourrait l'accepter «sous certaines conditions».
Barémisation et plafonnement des indemnités prud'homales
Emmanuel Macron l'a promis pendant la campagne: il veut aller plus loin sur le plafonnement obligatoire des indemnités prud'homales pour licenciement sans cause réelle ou sérieuse (hors discrimination et harcèlement). Objectif: déverrouiller une situation que le Medef considère comme un frein à l'embauche. Pour les syndicats, très vigilants sur la question, cela équivaut à une autorisation de licencier sans motif. «Nous avons rappelé que nous étions contre la ‘barémisation' des indemnités prud'homales puisqu'un licenciement, ce n'est pas un produit de supermarché», a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, au début des consultations.
C'est «une aberration» qui «porte atteinte à plusieurs droits et principes constitutionnels», dénonçait déjà la CGT en 2015, au moment où le président de la République, alors ministre de l'Economie, voulait instaurer un barème obligatoire basé sur l'ancienneté et la taille de l'entreprise. Retoquée par le Conseil constitutionnel, cette piste a fait son retour dans la première version de la loi El Khomri en 2016. Nouveau tollé syndical. Au final, la loi Travail a mis en place des référentiels purement indicatifs pour les juges prud'homaux, qui prévoit un plancher d'un mois de salaire pour les nouveaux embauchés et un plafond de 21,5 mois de salaire pour 43 ans d'ancienneté et plus.
Pour la CFDT, «un préjudice subi» doit «avoir une réparation intégrale», a souligné son dirigeant, Laurent Berger. «Le juge, in fine, doit toujours avoir le dernier mot», a souligné Jean-Claude Mailly qui n'est «pas hostile» à cette barémisation. «Si jamais il y a un plafond, on regardera le niveau de ce plafond», a-t-il ajouté au début des discussions, évoquant une contrepartie possible avec une «amélioration de l'indemnité légale de licenciement», minimum versé en cas de licenciement pour motif personnel ou économique, que le salarié décide ou non d'aller aux prud'hommes. «Il y a une marge de manoeuvre», a également assuré Philippe Louis, le président de la CFTC, au début des négociations.
Licenciements économiques
Si l'assouplissement des licenciements économiques est de nouveau au menu comme le suggèrent les informations parues dans la presse début juin, les syndicats attendent le gouvernement au tournant. «Ce n'est pas en facilitant le licenciement économique qu'on va faciliter l'embauche», résumait alors Jean-Claude Mailly. En 2016, la CGT avait aussi regretté que la loi El Khomri ajoute des motifs jugés légitimes pour procéder à un licenciement économique (mutations technologiques, réorganisation, «baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires»…). Or le gouvernement pourrait tenter d'aller plus loin et, surtout, redéfinir le périmètre géographique pris en compte. Un point si litigieux en 2016 qu'il avait été retiré de la loi El Khomri. Avec cette mesure, une entreprise pourrait réduire ses effectifs dans sa filiale française, même si elle se porte bien à l'échelle internationale. Les syndicats, CFDT comprise, avaient obtenu son retrait à l'époque.
Référendum à l'initiative de l'employeur
Autre sujet de tension en vue: le référendum d'entreprise organisé par l'employeur, même sans accord minoritaire. Depuis la loi Travail, seules les instances syndicales ayant recueilli au moins 30% des voix lors des élections professionnelles peuvent demander une consultation des employés. Mais Emmanuel Macron souhaite étendre cette possibilité à l'employeur. Les syndicats appréciaient déjà peu ce dispositif. A une exception près: la CFDT estimait que «consulter les salariés, ce n'est pas un gros mot».
Et aujourd'hui? Le syndicat réformiste a mis le gouvernement en garde: il «s'opposera à tout accroissement du pouvoir unilatéral de l'employeur». «Tout référendum doit être précédé d'un accord au minimum à 30% saisi par les organisations syndicales signataires», soulignait Laurent Berger au début des discussions. La CGT a fait savoir qu'elle ne s'opposerait pas automatiquement aux référendums d'entreprise, «à condition que tous les sujets puissent être mis sur la table» et que les salariés n'aient pas «le choix entre la peste et le choléra». «La majorité au niveau de la démocratie sociale ça devrait être comme en politique, c'est-à-dire 50% et non pas 30%», a ajouté Philippe Martinez. C'est un «contournement des syndicats», dénonçait en revanche la secrétaire nationale chargée de la négociation collective chez FO, Marie-Alice Medeuf-Andrieu, dans Le Monde.
Inversion de la hiérarchie des normes
Emmanuel Macron souhaite généraliser la primauté donnée aux accords d'entreprise sur les accords de branche par la loi El Khomri. Les accords de branche ne primeraient plus que sur un champ restreint comme les minima salariaux ou la prévoyance. La CFE-CGC réclame le rétablissement de la hiérarchie des normes, au motif que son inversion ouvrait «le champ de la concurrence par le dumping social». «Evidemment, un certain nombre de sujets peuvent être discutés en entreprise», tant qu'il existe «un socle commun à toutes les entreprises par le biais du Code du travail», a récemment précisé Philippe Martinez, à la CGT. La CFDT semble plus ouverte au dialogue si le droit applicable en l'absence d'accord d'entreprise reste élevé. Pour Laurent Berger, les branches doivent déterminer «ce qui permet à des secteurs professionnels de s'organiser entre eux», mais pour ça, «il faut réduire le nombre de branches.» Ce que le gouvernement précédent avait déjà entrepris de faire.
Instance unique du personnel
Emmanuel Macron souhaite regrouper sous une même instance comité d'entreprise, délégués du personnel et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Les entreprises de 50 à 300 salariés ont déjà la possibilité de fusionner ces instances de représentation du personnel, depuis la loi Rebsamen d'août 2015. Pourquoi généraliser cette mesure? Le dispositif actuel «ne profite ni aux représentants des salariés qui ont, du coup, une vision spécialisée des choses et sont privés de la vue d'ensemble, ni aux chefs d'entreprise qui répètent quatre fois la même chose, ce qui alimente chez certains une mauvaise image du dialogue social», expliquait début juin la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
«Nous avons précisé que chaque institution représentative avait des prérogatives différentes et que vouloir tout conjuguer dans la même, c'était nier les spécificités», a dit Philippe Martinez au début des discussions. «Nous ne sommes pas hostiles à rationaliser», a indiqué Jean-Claude Mailly le 22 mai dans Les Echos. «Mais le CHSCT doit conserver une responsabilité juridique à part entière.» La CFDT partage ce souhait et se montre ouvert au dialogue sur la question, à condition que cela aille dans le sens du «renforcement des droits et moyens des représentants du personnel»."
L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit...