...nous dominons le monde car nous coopérons de façon flexible et en grand nombre.
La question qui se pose immédiatement pour un auditeur averti est la suivante :
comment fait-on ça exactement ?
Qu'est-ce qui permet à notre seule espèce de coopérer de cette façon ?
La réponse est notre imagination.
Nous pouvons coopérer de façon flexible avec un nombre infini d'étrangers, parce que nous seuls,
parmi tous les animaux de la planète, pouvons créer et croire à la fiction, aux histoires fictives.
Et tant que tout le monde croit à la même histoire, tout le monde obéit et suit les mêmes règles, les mêmes normes, les mêmes valeurs.
Tous les autres animaux n'utilisent leur système de communication que pour décrire la réalité.
Un chimpanzé pourrait dire : « Regarde ! Il y a un lion, il faut s'enfuir ! »
Ou : « Regarde ! Un bananier là-bas ! Allons-y et cueillons des bananes ! »
Les hommes, eux, utilisent le langage, pas seulement pour décrire la réalité, mais aussi pour inventer
de nouvelles réalités, des réalités fictives. Un homme peut dire : « Regarde, il y a un Dieu au-dessus des nuages !
Et si tu ne fais pas ce que je te dis, lorsque tu mourras, tu seras puni par Dieu et tu iras en enfer. »
Et si vous croyez tous à cette histoire que j'ai inventée, alors vous vous plierez aux mêmes normes et aux mêmes valeurs,
et vous pourrez coopérer.
Il y a une chose que seul l'homme peut faire.
Vous ne pourrez jamais convaincre un chimpanzé de vous donner une banane en lui promettant : « Après ta mort, tu iras au paradis des chimpanzés... »
(Rires)
« ... et tu recevras des tas de bananes pour tes bonnes actions. Alors donne-moi la banane. »
Aucun chimpanzé ne croira une histoire comme celle-là. Seuls les hommes croient à ces histoires.
Et c'est pour ça que nous dominons le monde, alors que les chimpanzés sont enfermés dans des zoos et des laboratoires.
Maintenant, vous trouvez sans doute acceptable qu'en effet, sur le plan religieux, les hommes coopèrent en croyant aux mêmes histoires.
Des millions de personnes se rassemblent pour ériger une cathédrale, une mosquée, pour partir en croisade, faire le jihad,
car ils croient tous aux mêmes histoires concernant Dieu, le paradis et l'enfer.
Mais je veux insister sur le fait que c'est exactement le même mécanisme qui sert de base à toute autre forme
de coopération à grande échelle, pas seulement sur le plan religieux.
Prenez par exemple le domaine juridique. La plupart des systèmes juridiques sont fondés sur les Droits de l'Homme.
Mais que sont les Droits de l'Homme ? Les Droits de l'Homme, comme Dieu et le paradis, c'est une histoire inventée.
Ils ne représentent pas une réalité objective. Ils ne correspondent pas à un fait biologique de l'homo sapiens.
Prenez un être humain, ouvrez-le, regardez dedans, vous y verrez le cœur, les reins,
les neurones, les hormones, l'ADN, mais vous ne trouverez pas de droits.
Le seul endroit où on trouve des droits se trouve dans les histoires que nous avons inventées et diffusées
au cours des derniers siècles. Ce sont peut-être de belles histoires, des histoires positives,
mais ce ne sont que des histoires fictives que nous avons inventées.
Il en va de même pour la politique. Le plus important dans la politique moderne sont les États et les nations.
Mais que représentent-ils ? Ils ne sont pas une réalité objective. Une montagne est une réalité objective.
Vous pouvez la voir, la toucher, même la sentir. Mais une nation ou un pays, comme Israël, l'Iran, la France ou l'Allemagne,
c'est juste une histoire que nous avons inventée et à laquelle nous nous sommes attachés.
Il en va de même pour l'économie. Aujourd'hui, les acteurs les plus importants de l'économie mondiale
sont les entreprises et les sociétés. Beaucoup d'entre vous travaillent peut-être pour une grande entreprise,
comme Google, Toyota ou McDonald's. Mais de quoi parle-t-on ? Les avocats les appellent des fictions légales.
Ce sont des histoires inventées et entretenues par ces puissants sorciers que l'on appelle avocats.
(Rires)
Et que font les grandes entreprises toute la journée ? Elles essayent principalement de faire de l'argent.
Mais qu'est-ce que l'argent ? L'argent n'est pas une réalité objective, et n'a pas de valeur objective.
Prenez le billet vert, le dollar. Regardez-le : il n'a pas de valeur. Vous ne pouvez pas le manger, ni le boire,
ni vous en revêtir. C'est alors que sont arrivés ces maîtres du storytelling, les grands banquiers,
les ministres des finances, les premiers ministres. Ils nous ont raconté des histoires convaincantes :
« Vous voyez ce bout de papier vert ? Il vaut en fait dix bananes. » Et si j'y crois, et que vous y croyez,
et que tout le monde y croit, ça fonctionne. Je peux prendre ce bout de papier sans valeur, aller au supermarché,
le donner à une personne que je n'ai jamais rencontrée avant, et obtenir en échange de vraies bananes que je peux manger.
C'est quelque chose d'incroyable. Ça ne peut pas marcher avec les chimpanzés. Ils échangent entre eux, bien sûr :
« Tu me donnes une noix de coco en échange d'une banane. » Ça peut marcher. Mais, « tu me donnes un bout de papier sans valeur
et tu espères que je te donne une banane ? Pas question ! Tu me prends pour un humain ? »
(Rires)
L'argent, d'ailleurs, est l'histoire la plus aboutie que les hommes aient jamais inventée et racontée,
parce que c'est la seule histoire à laquelle tout le monde croit. Tout le monde ne croit pas en Dieu,
tout le monde ne croit pas aux Droits de l'Homme, tout le monde ne croit pas au nationalisme,
mais tout le monde croit à l'argent et au billet vert.
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