De architectura (en français « au sujet de l’architecture ») est le traité d'architecture en latin de Vitruve, écrit vers -151, et dédié à l’empereur Auguste.
I. De la manière de trouver l'eau.
0. Puisque les physiciens, les philosophes et les prêtres ont pensé que rien ne subsiste que par la vertu de l'eau, j'ai cru qu'après avoir expliqué dans les sept livres précédents tout ce qui a rapport aux édifices, je devais dans celui-ci parler des moyens de trouver l'eau, des qualités que lui donne la nature des lieux, de la manière de la conduire et d'en connaître les propriétés. Est-il, en effet, rien de plus nécessaire que l'eau, rien de plus agréable, rien de plus journellement utile?
1. Pas de difficulté, quand une fontaine fera jaillir ses eaux du sol; mais quand il n'en sera point ainsi, quand il faudra aller les chercher sous terre et en recueillir les sources, voici comment on devra s'y prendre : on se couchera la face contre terre, avant le lever du soleil, dans le lieu où il y aura une recherche à faire, et, le menton appuyé sur le sol, on dirigera ses regards vers l'horizon. Dans cette position immobile du menton, la vue, loin de s'égarer plus haut qu'il ne faut, s'étendra devant elle d'une manière invariable, au niveau de l'oeil. Les endroits dans lesquels on verra s'élever des vapeurs ondoyantes, devront être creusés : car les lieux secs ne peuvent présenter cette particularité.
2. Celui qui cherche l'eau doit encore examiner la nature des terrains : car ils donnent les mêmes eaux d'une manière constante. La craie ne fournit que le mince filet d'une eau peu profonde et peu agréable au goût. Il en est de même du sable mouvant; seulement, si on ne trouve l'eau qu'à une grande profondeur, elle sera bourbeuse et détestable. Dans la terre noire, au contraire, on trouve des eaux qui, s'infiltrant goutte à goutte pendant les hivers, vont se réunir et s'arrêter dans les en-droits compactes et solides; celles-là sont excellentes.
Les veines qu'on rencontre dans le gravier ne sont ni abondantes ni certaines; mais elles sont aussi très bonnes. Dans le sablon mâle, dans le sable, dans le carhoncle, elles sont plus sûres, plus constantes; elles sont d'une bonne qualité. Dans la pierre rouge, elles sont copieuses et bonnes, quand elles ne s'échappent pas, qu'elles ne s'infiltrent pas à travers ses pores. Au pied des montagnes et des roches siliceuses, elles sont plus abondantes, plus riches, et en même temps plus fraîches et plus salutaires. Dans les fontaines qui se trouvent dans les plaines, elles sont saumâtres, pesantes, tièdes et désagréables, à moins qu'elles ne partent des montagnes pour aller sous terre jaillir au milieu des champs, où, à l'abri de la verdure des arbres, elles offrent la même douceur que celles des montagnes.
3. Outre les signes qui viennent d'être indiqués, il en est encore d'autres qui font connaître les endroits où l'eau se trouve sous terre; ce sont les petits joncs, les saules sauvages, les aunes, l'agnus-castus, les roseaux, tes lierres et les autres plantes de même nature, qui ne peuvent naître d'elles-mêmes sans humidité. On voit ordinairement pousser ces mêmes plantes dans les marais qui, étant plus bas que les terres qui les environnent, reçoivent pendant l'hiver les eaux qui tombent du ciel et celles qui viennent de ces terres, et les conservent longtemps par le défaut d'écoulement; il ne faut point s'en rapporter à cela; mais si dans les terres qui ne sont pas marécageuses, ces plantes indicatives naissent sans avoir été semées, d'elles-mêmes, naturellement, on peut y chercher de l'eau.
4. Si ces indices n'annoncent pas la présence de l'eau, voici l'expérience qu'il faudra faire. On pratiquera un trou de trois pieds d'ouverture en tout sens, et de cinq pieds au moins de profondeur; on y placera, vers le coucher du soleil, un vase d'airain ou de plomb, ou un bassin, peu importe; après l'avoir intérieurement frotté d'huile et renversé, on couvrira l'ouverture de la fosse avec des roseaux ou des feuillages qu'on chargera de terre; puis on l'ouvrira le lendemain, et s'il se trouve des gouttes d'eau attachées aux parois du vase, c'est que cet endroit contient de l'eau.
5. On peut encore placer un vase de terre non cuite dans cette fosse recouverte de la même manière; s'il y a de l'eau dans cet endroit, lorsqu'on ouvrira la fosse, le vase sera humide, et même se dissoudra par l'humidité. Si l'on dépose dans la fosse une toison, et que le lendemain on en exprime de l'eau, c'est que ce lieu en renferme beau-coup. Voulez-vous y mettre une lampe bien remplie d'huile et tout allumée, et boucher hermétiquement la fosse? si, le jour suivant, on ne la trouve plus enflammée, s'il y reste de l'huile et de la mèche, si on la trouve humide, c'est une preuve que ce lieu contient de l'eau, parce qu'une chaleur modérée attire l'humidité. Si l'on allume aussi du feu dans cet endroit, et que de la terre échauffée et desséchée s'élève une vapeur épaisse, c'est qu'il y aura de l'eau.
6. Après toutes ces épreuves, après avoir rencontré les signes indiqués ci-dessus, on creusera un puits, et si l'on trouve une source, il faudra pratiquer plusieurs autres puits tout autour, et faire que par des conduits ils aboutissent tous au même point. C'est surtout dans les montagnes et dans les lieux qui regardent le septentrion, qu'il faut chercher l'eau, parce qu'elle s'y trouve plus douce, plus saine et plus abondante. Ces lieux ne sont point exposés à la chaleur du soleil, dont ils sont garantis par les arbres touffus des forêts; les montagnes elles-mêmes -ont leurs ombres qui empêchent les rayons du soleil d'arriver directement jusqu'à la terre, et qui les rendent incapables d'en pomper l'humidité.
7. Les vides qui se trouvent au haut des montagnes servent surtout de réservoirs aux pluies, et, à cause de l'épaisseur des forêts, les ombres des arbres et des montagnes y conservent longtemps les neiges; lorsqu'elles viennent à fondre, elles filtrent à travers les terres, et parviennent ainsi jusqu'au pied des montagnes d'où elles s'échappent en fontaines bouillonnantes. Dans les plaines, au contraire, les eaux ne peuvent être abondantes, et quelles qu'elles soient, elles ne peuvent être bonnes, parce que les rayons brûlants du soleil, ne rencontrant aucun ombrage qui les intercepte, enlèvent, épuisent et absorbent toute l'humidité de cette surface découverte; et si quelque source y apparaît, tout ce qu'elle contient de plus léger, de plus subtil, de plus salubre, est attiré par l'air qui le dissipe dans l'immensité, et il ne reste plus dans ces fontaines que les parties les plus pesantes, les plus crues et les plus désagréables.
En 2000 ans on a probablement fait quelques progrès, et les écolos vont avoir des idées géniales pour compléter.
.... on le savait probablement depuis quelques milliers d'années.