Merci Kamoulox pour ton témoignage vis à vis de "l'oreille". Tu "vois" "simplement" la musique en chiffres et en couleurs, comme je le disais plus haut.
Prétendre qu'avoir l'oreille absolue consiste à pouvoir reconnaître une fréquence à 1Hz près, c'est comme voir un aveugle affirmer que celui qui voit une tache de couleur est capable de citer de mémoire son code 24 bits sur sur une carte graphique : ça n'a tout simplement pas de sens physiologiquement parlant !
L’œil standard voit "7 couleurs" dans l'arc-en-ciel, alors que c'est un dégradé progressif : il y en a une infinité !
Le cerveau filtre donc (spontanément à la base, et ensuite par l'éducation) pour éviter de se laisser saturer d'infos inutiles.
7 couleurs pour l'arc-en-ciel, 7 notes pour la musique, et basta, ça suffit largement pour se débrouiller ! Un La4 c'est rouge vif, un La2 c'est rouge sombre épicétou
Tiens, ça me rappelle la "méthode Bontempi", si certains connaissent : à 6 ans on m'avait offert un accordéon-jouet, avec un livret de partitions où les notes figuraient en couleur. J'ai rapidement cassé l'accordéon de rage, faute de pouvoir en tirer quoi que ce soit ! J'étais un peu impulsif à cet âge
Je n'avais pas imaginé avoir une synesthésie , mais en y réfléchissant elle existe : je "ressens" la musique de l'intérieur, mais je ne peux décrire comment : elle n'a ni forme, ni couleur, ni valeur numérique... rien que je puisse exprimer en mots. C'est du ressenti pur, transcrit maladroitement en notes, le seul langage à ma disposition pour le décrire. Je ne sais même pas dire à ce moment si la progression mentale est montante ou descendante : la musique pour moi ne s'écoule pas suivant un axe linéaire, mais plutôt suivant un nombre mouvant de dimensions.
J'aimerais parfois pouvoir danser : le rendu serait peut-être plus proche ? Mais je suis bien trop inhibé pour ça. Alors je fais danser exclusivement mes doigts sur des cordes, c'est plus discret.
Pour dire à quel point c'est pathologique :
- Il m'est arrivé de composer 3 morceaux très différents (d'une minute en moyenne), en une journée, à raison de 5 minutes par pièce, le temps de dérouiller mes doigts. L'inspiration était là, c'est tout. Puis plus rien de nouveau durant des mois.
- J'arrive parfois à composer "sur commande" dans un style précis. Pour un spectacle destiné aux enfants, j'ai créé une musique de cirque en écoutant une compil de 30 mn et en extrayant mentalement la "signature" du style. On remplace la guitare par des cuivres grâce au MIDI, et hop ! Ce morceau emprunte bien sûr à ceux écoutés ce jour-là, mais garde sa particularité. Pour l'anecdote, le batteur m'a obligé à composer un autre morceau car "il n'avait pas de place" ! J'avais sans le vouloir cannibalisé sa partie avec ma guitare.
- Par contre, la plupart de mes morceaux n'ont pas de paroles associées, ni même de titre !
Avant d'oublier j'enregistre simplement sur mon téléphone ma guitare ou mon fredonnement avec l'annotation "blues", "oriental", "celtique"... et j'attends le jour où je pourrai en faire quelque chose de "public". Pour l'instant je ne casse que les oreilles de mon entourage.
Pour jouer "efficacement", en ressortant pas seulement le son mais l'émotion, je dois passer de la tête aux doigts, sans intermédiaire. Si on me demande de jouer moins vite un morceau que je viens de composer, c'est comme demander à un danseur de refaire son saut au ralenti ! Je multiplie les fausses notes, car il faut faire appel au raisonnement : ça rompt la liaison directe entre le centre des réflexes et les doigts. Par contre une fois ce nouveau morceau "enregistré" - ça peut demander des semaines - je peux varier le rythme et la hauteur moyennant des efforts, comme je le fais avec les morceaux des autres.
Ah, un dernier truc : ça fait un mois que je me suis remis sérieusement à la la guitare, et j'ai eu la surprise aujourd'hui de chanter la note juste avant même d'attraper l'instrument. Ai-je une chance de passer de l'oreille relative à l'absolue ?