Jeffrey a écrit :Bon d'accord, mais je comprends alors dans vos deux réponses que le confucianisme se rapproche plus d'une approche sociétale (rapport hédoniste à l'art) relative à l'antiquité du monde gréco romain que de la civilisation judéo-chrétienne. Car pour le coup, les grecs n'avaient aucune connaissance de la culture judéo chrétienne.
1)- je ne pense pas qu'on puisse qualifier de "sociétale" l'approche de l'art par les athéniens du Vème siècle bc. On peut y croire pour la civilisation romaine du 1er siècle bc. mais mème dans ce cas, Rome était un melting-pot, et la vision du monde de Cicéron ou de Virgile ne doit pas faire oublier que les lettrés grecs y étaient très influents, notamment en médecine, et que les romains eux-mème admettaient que ces types vivent dans un univers mental plus subtil que les romains, y compris que le lettrés romains. Personnellement je ne partage pas complètement la vision de M.Onfray à propos de l'opposition hédonisme/téléologie, et je suis persuadé que Sophocle par exemple est en fait le chantre d'une espèce de théologie ou l'art, y compris dans le sens considéré comme hédoniste, à un role pour aider les hommes à vivre une "vie religieuse" au sens athénien du Vème siècle bc, et pas seulement une "vie philosophique" au sens de M.Onfray, mème si les 2 concepts sont probablement assez proches.
2)- je pense qu'on sous-estime l'influence de la Grèce antique sur la religion chrétienne. Le concept de "progrés" parait peu présent ou absent dans la pensée grecque du Vème siècle bc, alors qu'il est très important dans la religion chrétienne, de plus les visions théologiques compliquées type nature du christ etc. sont probablement d'influence iranienne ou égyptienne, mais si on étudie le cycle d'Eschyle sur Prométhée on voit une évolution de la pensée grecque vers une forme de nouveau contrat avec les dieux qui ressemble beaucoup à un pas important vers le christianisme, et on est pas très loin du concept de "progrès" à la manière des chrétiens, et tout cela en utilisant seulement le fond culturel grec.
Jeffrey a écrit :
Après, mais c'est une autre question, la considération de l'art dans la culture judéo-chrétienne n'est pas nécessairement contraire à l'hédonisme, et n'est pas dépourvue de ce côté offrande au peuple. Pour s'en convaincre, on peut penser à la piazza della signora par exemple. .
ben justement, lors du concile de Florence, Laurent le Magnifique s'était apparemment converti à secret à la religion néoplatonicienne de Gémiste Pléthon. Donc le caractère canonique ou non de la religion pratiquée par les florentins au XIVème et au XVème parait un peu douteux, et il y avait très certainement beaucoup plus de tolérances et d'influences orientales, que supposé aujourd'hui. Je comprends qu'il y a dans Sophocle un message à propos du, ou des, mythes des sociétés, et de l’intérêt de gérer ce ou ces mythes en tant que tels, qui n'existe pas dans le christianisme mais qui existait probablement chez Gémiste Pléthon et qui existe apparemment aussi d'une autre manière dans le confucianisme. De plus, il est clair que l'empire bysantin était nettement plus tolérant aux sectes religieuses "chrétiennes" au sens très large, que généralement supposé.
Jeffrey a écrit :
En fait, je pense que le catholicisme a beaucoup combattu l'expression artistique pour deux raisons contingentes : le caractère sexuel et votif des oeuvres d'art. C'est certain que les deux aspects sont moins identifiables dans un jardin que dans la vénus de Boticelli.
de toutes façons les sociétés anciennes étaient pauvres ou très pauvres, donc la fabrication d’œuvres d'art coûteuses avait forcément une utilité liée généralement à des considérations religieuses ou politiques. Le concept mème de "l'art pour l'art" est en fait un concept + ou - théologique : la conviction que la fabrication et/ou la possession de certaine œuvres d'art aurait un effet magique sur les gens et/ou la société, un peu à la manière des reliques autrefois.
Jeffrey a écrit :
Par ailleurs, vous semblez redire que Confucius était le porte parole d'un ordre réactionnaire retrouvé, ce qui n'est en rien la position de l'église catholique dans sa conquête de l'Europe. Le catholicisme est une révolution et une conquête permanente pendant 16 siècles en Europe.
1)- je pense que le christianisme est un melting-pot avec une grosse part de théologie/philosophie grecque d'époque hellénistique, une part de bouddhisme, une part importante d'influence iranienne (Mithra...), un emprunt significatif à l’Égypte (Isis) et une part un peu plus faible que supposé d'emprunts au judaïsme, puisque le judaïsme du 1er siècle était lui-meme déja assez nettement influencé par la Grèce, l'Egypte, le bouddhisme et l'Iran, et que les romains n'avaient pas besoin de passer par Jérusalem pour trouver ces influences. Je doute un peu de son caractère révolutionnaire et je pense que beaucoup d'intellectuels Européens avaient préféré discrètement des sectes chrétiennes au sens large, mais assez déviantes par rapport au christianisme officiel (Laurent le Magnifique....)
2)- je pense que Confucius était un type moderne dans un état moderne, mais que d'un point de vue anecdotique, il n'était ni-réactionnaire ni non-plus "progressiste" par rapport aux dirigeants de son époque, et que son apport est d'avoir convaincu ces dirigeants de mettre en place des sortes de "recettes de cuisine" pour éduquer la population au lieu de tenter de les convaincre ou de les former de façon classique aux concepts philosophico-religieux qu'ils défendaient. Je pense qu'il n'aurait pas pu tenter çà s'il n'avait pas été en phase avec la doctrine proposée par le pouvoir, mais çà ne veut pas dire que cette doctrine n'était pas parfaitement "progressiste" en son temps, et ce serait une erreur de confondre les recettes de cuisine de Confucius avec les concepts philosophico-religieux qu'il tentait de promouvoir par ces moyens. Et c'est là qu'on peut éventuellement tenter un parallèle avec Sophocle, et dans ce cas, çà devient un peu compliqué d'affirmer que le confucianisme serait anti-démocratique par principe.