Au cap Sicié (7km Toulon), la biodiversité nage en eau claire
PAR OLIVIER COGNASSE Usine Nouvelle 15/07/2018
REPORTAGE Le projet Remora fait revivre la faune sous-marine au cap Sicié grâce à des récifs artificiels. Dernière étape d’une lutte de quarante ans contre la pollution des eaux.
Après quarante ans de pollution, la biodiversité réapparaît.
La première plongée pour l’immersion des récifs artificiels a eu lieu en 2015. À l’époque, il y avait du sable et une eau claire », se rappelle Emmanuel Plessis, le directeur du développement de Veolia Provence-Méditerranée. Le projet Remora a été lancé en 2011 à l’initiative de la fondation Veolia, de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et de l’Institut océanographique Paul Ricard pour recréer de la biodiversité au cap Sicié, à quelques kilomètres de Toulon (Var). Des récifs artificiels ont été mis en place à 15 mètres de profondeur. " Ils sont constitués d’un mélange de béton, de fibres plastiques et de ferrailles ", explique Pierre Boissery, expert des eaux côtières et du littoral méditerranéen à l’Agence de l’eau.
Un an après, " nous avons constaté, lors d’une plongée, un début de colonisation, raconte Emmanuel Plessis. La plongée de cette année est extrêmement réconfortante. Nous avons vu une chaîne trophique complète, avec des espèces témoins du bon équilibre retrouvé, notamment des anémones, des étoiles de mer, des oursins, des bancs de sardines juvéniles… Maintenant, nous allons passer en mode industriel et étendre la surface de 360 à 3 000 mètres carrés ". Un investissement qui devrait atteindre 1 million d’euros.
Il y a quarante ans, le paysage sous-marin dans lequel évoluaient les plongeurs avait une tout autre allure. Nardo Vicente, biologiste marin français et responsable scientifique de l’Institut océanographique Paul Ricard, lançait un cri d’alarme après avoir plongé dans les eaux nauséabondes du cap Sicié en 1978. " Une plaque de plusieurs hectares et d’une profondeur d’un demi-mètre flottait ", se souvient le plongeur, aujourd’hui âgé de 82 ans. La cause : les eaux des égouts des sept communes de l’agglomération de Toulon ouest étaient rejetées directement dans la mer.
50 000 m3 d’eaux usées traitées chaque jour
Les eaux usées sont assainies par Veolia dans une imposante usine posée sur la roche d’une crique, à laquelle on accède par un tunnel long de 1,1 kilomètre. De la mer, elle est à peine visible. Pour respecter les contraintes environnementales, il a fallu un projet architectural qui rende le bâtiment discret et utilise les matériaux naturels locaux tout en préservant la végétation. La station d’épuration traite 50 000 mètres cubes par jour d’eaux usées et peut en absorber le double.
Trente-huit personnes travaillent sur ce site dirigé par Véronique Hocquet, responsable des usines pour la Provence-Méditerranée Ouest. " L’usine a été construite en deux étapes avec, en 1997, la mise en service de la première tranche pour le traitement physico-chimique, rappelle Véronique Hocquet. Une unité de traitement biologique a été ouverte en 2002, avec des filtres à base de matériaux volcaniques qui fixent les bactéries qui se nourrissent de la pollution. " Elle élimine par exemple 95 % du paracétamol.
L’usine peut traiter jusqu’à 100 000 m3 d’eaux usées par jour.
Les eaux usées, à leur arrivée, traversent des grilles qui arrêtent les corps flottants et les déchets. Ensuite, les sables et les graviers se déposent dans quatre bassins et sont évacués, tandis que les graisses sont émulsionnées par injection d’air puis collectées en surface de traitement. Étape suivante : les particules fines en suspension dans l’eau sont rassemblées en flocons grâce à l’action d’un coagulant. Ces flocons sont entraînés par leur poids au fond d’un bassin décanteur. Les boues sont alors dirigées vers des centrifugeuses. La matière part au four Pyrofluid, une technologie brevetée qui assure la combustion de 2,2 tonnes de boues sèches par heure. Les fumées sont filtrées pour éliminer les gaz acides (chlorure d’hydrogène et dioxyde de soufre) et les oxydes d’azote (NOx). L’eau continue, elle, son parcours par une filtration biologique avant de rejoindre la mer.
La station d’épuration a été conçue de manière à se fondre dans le paysage.