Linky, révélateur d’une société hypocondriaque ?
le 20 octobre 2015 donnetonavis.fr
Plus besoin de relevés : ERDF va installer des compteurs autonomes, lui communiquant quotidiennement la consommation des foyers. Cette campagne a suscité un certain nombre de réticences, notamment liées à la génération d’ondes électromagnétiques, alors qu’elle repose sur une technologie entièrement électrique et interne au réseau. Cette campagne d’installation fait avant tout peur aux électrosensibles, « victimes » sans bourreau d’une pathologie qui peine à trouver une base scientifique sérieuse.
La nouvelle génération de compteurs électriques arrive enfin dans nos foyers. Ils portent le nom de Linky, et rendent possibles de nouveaux services pour les clients, les collectivités locales, les fournisseurs ou encore les producteurs. Dès la fin de l’année, plus de 3 millions de ces compteurs intelligents seront installés, et « d’ici 2021, 35 millions de compteurs devraient être remplacés », indique ERDF, filiale d’EDF en charge du projet. La particularité de ce nouveau compteur est sa capacité à communiquer indépendamment avec les fournisseurs d’énergie. Linky envoie et reçoit des informations sur la consommation d’électricité du réseau local (domiciles, entreprises qui consomment moins de 36 KW/a) sans l’intervention d’un technicien : terminés les relevés mensuels et les estimations de factures grâce à ce modèle intelligent, recueillant et délivrant des informations ultra-précises. Un pilotage à distance rendu possible grâce au transit d’informations directement sur le réseau électrique.
Si l’installation des compteurs se fera entièrement au frais du gestionnaire de réseau, le projet suscite déjà une certaine controverse auprès des individus affectés par une intolérance environnementale idiopathique aux champs électromagnétiques : les électrosensibles. Ces derniers ont multiplié les appels médiatiques, faisant état de leur inquiétude de voir arriver les nouveaux compteurs électriques Linky. Concrètement, ce qui effraie les associations d’électrosensibles, c’est l’arrivée d’un tout nouveau générateur d’ondes dans leur domicile, ondes qu’ils estiment nocives, ce qui a mené à une vague de publications en ligne mettant en garde contre ces derniers.
Pourtant, le rejet de ce projet apparaît comme étant le résultat d’une vaste mésinformation. Toute la communication déplorant une installation obligatoire de ces appareils est basée sur l’idée qu’ils émettent des ondes electro-magnétiques – ou des radiofréquences selon la source. Or, le compteur électrique communicant Linky utilise une technologie connue, depuis les années 50, le Courant Porteur en Ligne (CPL) qui permet d’envoyer des informations type Internet dans les câbles du réseau électrique classiques et existants. Il n’y a donc pas d’émission d’électromagnétique supplémentaire, et il ne représente aucune menace pour la santé. En application des normes sanitaires françaises et européennes – très restrictives, et il faut s’en féliciter – l’appareil n’émet aucune onde radio, il n’utilise pas la technologie wifi.
Aussi, sans surprise, la demande d’arrêt de l’installation soumise à la DGS (Direction générale de la santé), selon laquelle les électrosensibles pourraient ne pas supporter le rayonnement continu dans leur foyer, a été rejettée. En plus de ne pas émettre d’ondes, ce compteur électrique n’émet pas d’informations en continu, comme d’autres appareils connectés, mais seulement quelques secondes par jour. Les études menées an amont montrent qu’en termes d’émissions, le compteur Linky à une emprunte largement inférieure à un téléphone portable, une box wifi, un four à micro-onde ou une télévision.
Mais nonobstant ces données démontrant l’innocuité de Linky, ce sont les fondements scientifiques de l’électrosensibilité qui posent question. Selon l’OMS, elle « est caractérisée par divers symptômes que les individus touchés attribuent à l’exposition aux champs électro-magnétiques. Parmi les symptômes les plus fréquemment présentés, on peut mentionner des symptômes dermatologiques (rougeurs, picotements et sensations de brûlure), des symptômes neurasthéniques et végétatifs (fatigue, lassitude, difficultés de concentration, étourdissements, nausées, palpitations cardiaques et troubles digestifs). »
Pour l’OMS, toujours, « il existe aussi certains éléments indiquant que ces symptômes peuvent être dus à des maladies psychiatriques préexistantes, ainsi qu’à des réactions de stress résultant de la crainte inspirée par les éventuels effets sur la santé des Champs Electro-Magnétiques, plutôt que de l’exposition aux CEM elle-même. » Des études étiologiques ont été menées pour rechercher les causes de cette maladie – en particulier en double aveugle – et n’ont pas pu démontrer que les champs électromagnétiques étaient à l’origine des symptômes constatés. Des fausses expositions à un champ électromagnétique ont été suffisantes pour déclencher des symptômes graves chez certains participants. L’OMS considère qu’il n’existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de l’hypersensibilité électromagnétique à une exposition aux champs électromagnétiques.
En conclusion, on peut déplorer que les symptômes décrits par les personnes souffrant d’électro-hypersensibilité peuvent s’avérer sévères et parfois handicapants. Cependant, non seulement ils apparaissent comme davantage liés à la présence suspectée de champs électromagnétiques qu’à l’émission réelle d’onde, mais de plus, il n’y aura pas d’émission d’ondes dans ce cas précis. Ici, la campagne d’opposition à l’installation de la nouvelle génération de compteurs s’avère donc fondée sur la circulation d’informations erronées et des craintes allant à l’encontre des recherches effectuées dans le domaine. Espérons que cette fois, la peur du progrès ne l’emportera pas sur la raison.
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