benj007 a écrit :Je vous propose cet exercice:
Un voleur est pris sur le fait. Le but de la justice est que cet homme ne vole plus.
Miséricordieuse, la justice le laisse partir. Mais dès le lendemain, cet homme vole de nouveau.
Mon point de vue de scientifique: Le fruit est mauvais (le but n'a pas été atteint). L'action miséricordieuse était inadaptée.
Votre point de vue de religieux: Comment est le fruit? Comment jugez-vous cette action miséricordieuse?
Je pense que ce raisonnement est lié à une mauvaise interprétation de la miséricorde.
La miséricorde, ce n'est pas faire un bisou et dire "c'est pas grave". C'est chercher le bien de l'autre malgré l'offense qui à été faite. Cela peut conduire à appliquer des mesures éventuellement désagréables pour la personne, dans la mesure ou celles ci sont réalisées pour son bien, c'est à dire ne plus fauter.
En l’occurrence, laisser quelqu'un voler n'est pas bien. Il appartient à la chacun (et à la société en général) de faire en sorte qu'il n'y ait plus de voleurs. L'emprisonnement est une solution, l'éducation en est une autre. On peut tout à fait être pleinement miséricordieux avec son enfant qui a défoncé la voiture de la famille, tout en le privant de sorties pour 6 mois, le temps qu'il comprenne la gravité de son acte.
L'idée maîtresse, c'est de penser que celui qui commet l'offense n'est pas "un pourri", mais quelqu'un dont une part du comportement est pourri, et qu'il faut l'aider à en sortir.
Les miséricorde est donc quelque part entre :
* le laxisme bisounours (souvent marqué à gauche) qui n'aide pas celui qui se trompe à changer
* le rigorisme (souvent marqué à droite) qui se fout du coupable et ne cherche qu'a l'enfoncer
Laxisme et rigorisme découlent de la même lacheté : on refuse de se fatiguer à chercher une solution, et on se satisfait soit de dire qu'il n'y a pas de problème (laxisme) soit de le déplacer plus loin (rigorisme).
Au passage, si tu voles et que tu vas te confesser, il est très probable que le prêtre te demande d'effectuer une réparation (modulée selon la situation du vol, ta condition personelle, etc...).
Ma position est tout à fait logique. Je suis sincèrement humble et je sais que je ne suis rien. En ce sens, je ne peux pas avoir d'Objectif: cela signifierait que j'ai une Utilité et mon humilité serait feinte.
D'ailleurs, c'est ma plus grande divergence avec le concept religieux. Comment peut-on se considérer humble d'une part, et en même temps digne du jugement de Dieu au purgatoire, d'autre part?
Vraie question en effet. Tel que je le comprend, le chrétien est à la fois humble devant Dieu et sa création, mais pour autant il est aussi "enfant de Dieu et frère de Jésus" (on l'entend parfois aux baptêmes).
On retrouve cette idée dans ce chant (un classique pour la communion) :
Notre Dieu s'est fait homme pour que l'homme soit Dieu,
Mystère inépuisable, fontaine du Salut.
Quand Dieu dresse la table, Il convie ses amis,
Pour que sa vie divine soit aussi notre vie!
Il y a donc un genre de bascule permanente entre la "grandeur d'enfant de Dieu" et notre petitesse face au monde. Quelque chose entre le nihilisme (nous ne sommes rien) et l'Hommisme (l'Homme est tout).
On peut trouver ça chez Ste Thérèse de Lisieux dont la sainteté réside dans la petitesse. Ou chez Ste Térèsa de Calcuta qui devient grande aux yeux du monde (y compris non croyants) en étant pourtant toute petite dans ses actes.
et en même temps digne du jugement de Dieu au purgatoire,
L'idée ici est que Dieu aime et veut l'amour de chaque homme. S'il en considérait un seul comme indigne, alors il n'aurait pas accepté sa venue au monde. Dans le christianisme chaque personne qui vient au monde est le fruit de la rencontre de ses parents + l'action de Dieu. Le couple est "co-créateur" avec Dieu. On dit notamment que par le baptême, ce n'est pas Dieu qui accepte l'enfant comme sien : c'est déjà fait de toute éternité, mais c'est l'enfant (éventuellement via ses parents) qui reconnait Dieu comme père.
A l'inverse, le suicide de Judas est le pire péché qu'il ait pu commettre. Pire que d'avoir trahis Jésus : parce qu'en se suicidant, il a pensé que Jésus ne pourrais jamais le pardonner. C'est bien sur totalement lié à la miséricorde supposément infinie de Dieu : quels que soient nos actes, il cherchera toujours à nous relever - la aussi par des moyens ou des épreuves* qui peuvent ponctuellement sembler désagréables.
(* ici on dit que Dieu ne nous impose pas des épreuves, mais qu'il les laisse advenir par amour pour nous, de la même manière qu'on laisse un enfant tomber de temps en temps pour qu'il apprenne à marcher).