Crue majeure de la Seine : l'épée de Damoclès qu'on refuse de voir
VIDÉO. L'OCDE regrette que ses conseils de 2014 n'aient pas été suivis. Elle estime qu'une crue centennale occasionnerait entre 3 et 30 milliards d'euros de dégâts.
PAR GUERRIC PONCET
Modifié le 23/01/2018 à 12:56 - Publié le 23/01/2018 à 12:30 | Le Point.fr
Cent huit ans après la dernière crue centennale de la Seine, les Franciliens savent qu'ils sont « hors forfait » depuis huit ans et que le fleuve se chargera un jour ou l'autre de le leur rappeler. La prise de conscience a été renforcée avec la crue importante de 2016, qui a entraîné plus d'un milliard d'euros de dommages. Pourtant, les recommandations émises en 2014 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n'ont que très peu été suivies. Dans un nouveau rapport publié mardi, l'organisation internationale dénonce (avec diplomatie : la France en est un honorable membre...) une dynamique qui reste « en retrait par rapport aux enjeux ». Au moment où une nouvelle crue touche la région (le pic est attendu vendredi, au même niveau qu'en 2016), le rapport tombe à point nommé.
Les enjeux sont colossaux : en 2014, l'OCDE avait estimé à entre 3 et 30 milliards d'euros les dommages directs d'une crue majeure, avec 5 millions de citoyens touchés, dont un million et demi privés d'électricité et d'eau potable. Même si « des efforts importants en matière de gouvernance » ont été engagés, les experts tirent de nouveau le signal d'alarme, face à des progrès « inégaux ». Premier sujet d'inquiétude : le manque de résilience (la capacité à fonctionner en mode dégradé) des infrastructures critiques comme les réseaux d'eau, d'énergie, de transport et de télécommunications.
Un million d'emplois en danger
Les experts soulignent aussi l'absence de « stratégie de financement à hauteur des enjeux économiques concernés ». En clair : si la structure de financement s'est mise en place, elle n'a pas aujourd'hui les moyens d'affronter une crise. Face à ce constat, l'OCDE estime que les inondations récentes (2016 et, désormais, 2018) sont une opportunité « pour pérenniser et renforcer la dynamique ». L'exercice européen Sequana, mené en 2016 à Paris, allait dans le bon sens, mais la démarche reste très largement insuffisante.
En cas de crue centennale, « il y aura au moins un million d'emplois franciliens en danger, qui seront déplacés ou perdus », nous explique Vincent Balouet, consultant en gestion des risques et ancien coordonnateur national contre le bug de l'an 2000. « En cas de crue réellement catastrophique, nous assisterons à un réaménagement partiel du territoire, avec des entreprises qui partiront en direction des métropoles régionales, ou ailleurs », juge-t-il.
« Toutes nos défenses sont calquées sur 1910 »
Et ce sera pire si l'événement est cinq-centennal, comme c'est arrivé à Prague en 2002. « Toutes nos défenses sont calquées sur une crue centennale de type 1910, mais que se passera-t-il si l'eau monte plus haut ? Les souterrains seront inondés ! Nous aurons probablement peu ou pas de morts, mais il faudra quatre à cinq ans de travaux pour retrouver un métro pleinement fonctionnel, tout le secteur du tourisme sera en berne et des entreprises partiront et ne reviendront peut-être jamais », assure-t-il.
Pour l'OCDE, les projets d'infrastructures, de développement et de renouvellement urbain, notamment liés à l'accueil des Jeux olympiques à Paris, sont une opportunité à ne pas manquer pour augmenter la préparation de la métropole à une crue catastrophique, inévitable à long terme.
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