Jeffrey a écrit : ↑22 mars 2019, 13:18
je m'explique
ProfGrincheux a écrit : ↑21 mars 2019, 22:22
Il y a effectivement une crise sociale.
Non, il y a une société en mutation profonde, et cette mutation pose des problèmes aux composantes sociales, mais pas seulement du point de vue contraignant de l'imposition d'une mutation nécessaire à chacun (coût de l'énergie, densification urbaine, communautarisme, pollution, chômage) mais aussi et surtout parce que la gouvernance politique n'est pas capable à la fois d'englober toutes les mutations qui surgissent, plus réellement d'endosser le rôle qu'elle pourrait avoir pour les résoudre.
En essayant de le dire plus simplement, ces problèmes sont multifactoriels, majeurs, polymorphes, et :
1° Ne sont pas tous compris par les dirigeants, parce qu'ils n'ont pas la qualification suffisante pour y arriver.
2° Ces problèmes ne sont pas conjoncturels mais bel et bien structurels, et ils imposent de réfléchir à l'accompagnement social, mais pas que dans une direction où le chef veut aller, aussi un accompagnement d'où on vient. Et plus encore, réfléchir au degré de résistance qu'il convient de déployer pour faire preuve d'une forme partielle de conservatisme quand la cible n'est pas souhaitée par le peuple.
On ne peut pas simplement parler de crise sociale, c'est bien trop réducteur. Je dirais qu'il y a un problème de crise sociétale.
Par exemple, le choix d'appartenir à une confédération européenne en cours de formation dilue les questions propres à la gestion étatique régalienne en France depuis près de 1000 ans. La question du morcellement de la gestion territoriale n'est pas qu'une tendance amorcée par Mitterrand qui vise à contrer une centralisation multi centenaire, elle a aussi plein de conséquences économiques et sociales sur la manière dont le tissu économique est en mesure de s'implanter. La question du rôle de l'éducation nationale est aussi un enjeu. Là, inversement, les impacts économiques (bassin d'emploi) ont des externalités sur l'éducation. Les sphères économiques et sociales s'interpénètrent en permanence.
Si on prend un peu de recul, on voit que les états se retrouvent dans une gestion de crise qui exprime leur inadaptation réactionnelle aux problèmes engendrés par le capitalisme.
L'état est une notion vieille de plusieurs siècles. Les états se sont heurtés dans leur souveraineté au capitalisme et à la révolution industrielle qui ont engendré de nombreux progrès matériels, mais aussi une nouvelle stratification sociale, et des conflits encore plus violents en cas de crise économique. Les nationalismes étatiques de la première moitié du 20e siècle sont une forme de tentative de réponse à la prépondérance du concept capitaliste primant sur la notion d'état.
La fin de la deuxième guerre mondiale a autorisé une période de prospérité basée sur la reconstruction, et suivie ensuite par une seconde période de prospérité basée sur l'avènement informatique. Dans une certaine mesure, les gouvernements ont retrouvé un mode opératoire conforme à la notion d'état classique pendant cette période. La guerre froide a aussi contribué temporairement à la réhabilitation du rôle majeur des états, primant sur les structures capitalistiques. Aujourd'hui ce temps est révolu.
Mais cela n'a fait qu'occulter une réalité qui accompagne nos sociétés depuis la révolution industrielle : la structure et le fonctionnement des états ne sont pas complètement adaptés aux problématiques posés par un monde capitalistique.
Pour comprendre mieux cette interpénétration des problèmes, il suffit d'examiner le vocabulaire. La période pré-révolutionnaire voyant notre monde divisé en trois catégories sociales : noblesse, clergé, tiers-état. La révolution fait éclater cette structure, parce qu'elle ne correspondait plus politiquement à une réalité de composition (les bourgeois entre autres n'étaient pas dans la représentation à proprement dit).
Aujourd'hui on parle de quoi ? De catégories socio professionnelles. C'est dire que nous concevons notre société structurée par l'exercice d'une activité lucrative. Je passe sur l'avènement "égalitaire" du travail des femmes, au sens de travail rémunéré identique à celui des hommes.
De brillants imbéciles ont rajouté par dessus le concept d'ascenseur social, c'est à dire qu'ils ont plaqué sur cette structure une idée de hiérarchie. Il n'y a plus non seulement division sociale, ni même division socio professionnelle, il y a clivage.
Pourtant, notre organisation politique est inchangée depuis des lustres. Nous élisons des représentants. Mais est-ce que l'intention est la même qu'après la révolution française ? Ou la même qu'en 1936 ? Je ne le pense pas.
Ainsi, la question de la représentativité s'est transformée d'une interprétation de la délégation d'autorité à celle de défense d'un intérêt, qui n'est plus un dénominateur quasi commun à ce qui a pu exister par le passé, puisque la classe sociale du peuple français qui se voulait unique et universelle s'est transformée en un multitude de classes socio professionnelles. Ce n'est plus une réelle représentation du peuple à l'assemblée nationale, c'est une représentation de classes ou de corporations, comme la France insoumise, les quelques communistes, les bourgeois de droite, les écolos, et maintenant c'est nouveau, cette espèce de bannière protéiforme de LREM qui est censée représenter la partie du peuple qui adhère à un modèle économique et social.
Mais la question oubliée, et qui est essentielle : En quoi un peuple est-il un assemblage de corporatismes et de sous groupes sociaux totalement distincts, dont la gouvernance est basée sur une lecture hiérarchique des catégories socio professionnelles de ses membres ? Cette lecture de la gouvernance de la société conduira encore et toujours au morcellement, à l'existence de gilets jaunes, de cités d'immigrés, de bobos csp+, où le modèle global n'a aucun sens.
Etre président de la république, c'est être président de tous les français. Je pense que cette notion s'est perdue, comme elle s'est perdue aussi chez chacun de nous dans le rapport que nous établissons vis à vis de nos élus.
Une deuxième question est tout aussi fondamentale : Quid de la compétence ?
Nous n'arrivons pas à faire émerger dans nos processus représentatifs la question indispensable de l'évaluation de la compétence. Or c'est primordial dans un mécanisme de délégation d'autorité comme l'est l'élection de représentants.
Quand nos hommes politiques prétendent avoir une vision stratégique, ce sont des blagues. Ceux actuellement en place - comme les précédents depuis un certain temps - n'ont pas l'once d'une compétence autre que de naviguer dans un environnement médiatico-politique.
Castaner sait il faire le métier de ministre de l'intérieur ? QUe doit il dire aux forces de l'ordre ? Vous vous mettez là, ici, pas là ? Vous tapez pas au dessus des jambes ...
C'est un animal politique, qui n'a aucune compétence précise.
Il est assez extraordinaire de voir que LREM avait l'opportunité de faire émerger des compétences techniques en appelant des gens de terrain à participer à l'arbitrage politique. J'ai un exemple en tête : Villani, brillant mathématicien, devenu député, et qui a participé à la réforme en cours de Blanquer du système scolaire du secondaire. Que fait Villani au bout d'un an de mandature ? Il postule pour la mairie de Paris....
Quant à Blanquer, pour le coup, c'est un homme qui jouit d'une certaine compétence dans la connaissance du milieu de l'enseignement. Son ordre de mission était simple : réduire les coûts, et il va le faire. Mais dans quelle logique ? Encore une fois la même, celle de s'inscrire dans une démarche qui privilégie une catégorie sociale, celle en mesure de tirer parti d'un enseignement discriminatoire. Et là on retombe dans le premier travers évoqué ci-dessus.
Un exemple pour comprendre encore le propos :
aux élections municipales, on vote pour une liste. Cette liste se compose d'une trentaine de personnes réunissant des compétences, un vécu, une formation, des opinions.
Aux élections présidentielles, on vote pour une personne. Puis deux jours après l'élection, cette personne nous dit qui elle choisit comme premier ministre. Puis deux jours plus tard, ce PM nous dit qui il va mettre en charge des ministères.
Pourquoi est-ce que cela n'est pas annoncé directement par les candidats dans leur programme ? Pourquoi ne peut on juger sur pièces de la qualité de l'équipe proposée avant de voter ?
Simplement parce que ce n'est pas dans le schéma de pensée des acteurs actuels de la classe politique. Cette question de la compétence est une pochette surprise, aussi parce que nos dirigeants ne s'inscrivent pas dans ce qu'on pourrait appeler une démarche qualité.
ProfGrincheux a écrit :
Et une crise de la représentation politique et syndicale de certaines couches sociales. Macron ne les représente pas, c'est exact, ni aucune des fractions de la bourgeoisie qui se sont succédées aux affaires.
Et personne élu de cette manière de faire ne pourra jamais les représenter. Ce qui les rend illégitimes aux yeux de ces gens. Est-ce qu'on peut leur opposer l'argument de la démocratie ? La loi du nombre et de la fraction minoritaire ? Non, c'est un non sens, parce que ce n'est pas sur cette modalité de gouvernance que nos constitutions ont été bâties, comme je viens de l'expliquer. Par ailleurs, même si on se passe de l'explication, il est très clair que les dernières élections ont donné un suffrage majoritaire à des courants qui amplifient cette lecture corporatiste de notre gouvernance (LFI, FN..)