wasabi a écrit : ↑28 mai 2019, 10:54
Donc un technopole dans la banlieue parisienne mais loin de Paris, mais qui n'a pas besoin d'y être raccordée, qui a ses propres systèmes de transports (Orly avion, Massy TGV) sans passer par Paris, dont les gens doivent se loger autour plutôt que sur Paris car c'est mal desservi et n'en ont pas les moyens, qui a ses commerces de bouche loin comme dans la France périphérique (>300m la boulangerie, c'est pas à Paris, Lyon, Strasbourg... qu'on n'aurait ça), qui a peu de divertissement et de services urbains (musées, boîtes, bars, restaurants, spectacles...).
Bref comme une ville de la pampa française. Mais alors pourquoi avoir mis ce truc en banlieue parisienne plutôt qu'au vert -le vrai vert, la Lozère, le département pas le quartier-, à la mer ou au soleil comme Crolles, Marcoule, Cadarache... ? Pour profiter de certains inconvénients de Paris -tarifs, promiscuité, bouchons, humeur maussade, climat...-, mais pas des avantages ?
Il y a de bonnes et de mauvaises raisons.
Cette zone a déjà une infrastructure liée à l'enseignement et la recherche depuis les années 70. C'est déjà le lieu d'implantation de l'école polytechnique, de la faculté des sciences d'Orsay, de l'école Supélec, de plusieurs IUT également.
Mais pas seulement. C'est aussi le lieu d'implantation du CEA, et de l'accélérateur synchrotron Soleil. C'est un des sites les plus importants en recherche physique en France. Il y a aussi le site de l'Onera, qui s'était implanté là entre parenthèses pour faire des essais en aéronautique qui devaient se faire loin des zones urbaines. C'était un compromis entre la proximité des centres de recherche, d'industrie technologique (Alcatel, Thomson, Thalès sont dans la zone depuis une trentaine d'années), et aussi la proximité d'un aéroport international d'envergure (Orly). Il y a aussi deux autoroutes qui passent à quelques kilomètres : A6, A10, deux nationales N20, N118...
Après, entre ça ou mettre les centres de recherche et d'enseignement à proximité des bars et boites de nuit, ou près de la plage ou des stations de ski, je vous suppose un tantinet caustique.
Pour une localisation dans la pampa, je pense qu'il y a eu un compromis entre le prix du m² d'herbe et la liaison en continuité avec l'existant et les équipes de personnel.
Il y a des difficultés, on peut dire des problèmes de vitesse de déploiement du projet, et des aléas relatifs aux transports. Mais ce n'est pas le plus crucial dans l'affaire. Il y a toujours des blocages et des petites guerres, des marquages de territoire, des oppositions marquées.
Si le réseau de transport en commun ne s'est pas développé à la vitesse prévue initialement, c'est par opposition des élus régionaux/locaux contre le gouvernement de Sarko il y a une dizaine d'années. Ils n'étaient tout simplement pas du même bord.
Sur le plan des migrations de pôles universitaires, il y a des jeux de positionnement où certains acteurs se voient noyés dans une structure bien plus importante qu'eux, ou qui cherchent à prendre une place au soleil. Cela a été très flagrant sous Hollande... Enfin, en gros, c'est un projet majeur, avec beaucoup d'enjeux techniques et stratégiques.
Je dirais que ça me fait marrer quand je lis des critiques du genre "la boulangerie n'est pas à côté de la cité U". Ou "on est serrés dans le bus qui va de la gare de Massy à l'université". (trajet 12 minutes).
Un autre aspect contraignant est l'impossibilité pour les structures d'enseignement à assumer une croissance/développement dans un périmètre centré à proximité de Paris. On rappelle que le prix du m² dans paris intra muros est de 10K€ pour l'habitat. Beaucoup d'écoles et d'universités se positionnent dans la croissance et l'autonomie financière, c'est un truc que vous connaissez bien pour l'avoir correctement analysé dans vos posts il y a quelques années. Or si on prend l'école Centrale par exemple, il n'était pas possible de réaliser une croissance sur le campus de Chatenay-Malabry. Par exemple, depuis plusieurs années, aucun étudiant de troisième année n'était logeable dans la résidence de l'école. Résidence dont l'état de vétusté devenait intolérable. C'était une solution financière plus cohérente de construire du neuf près de supélec, sur des terrains moins chers que ceux de Chatenay, et de réaliser une culbute financière avec l'opération foncière sur Chatenay en revendant le foncier...
C'est la même logique qui dans les années 2000 a conduit au déplacement de l'école des ponts à côté de l'université de Marne la Vallée. L'école n'est plus située sur le boulevard St Germain à Paris.
Il y a eu le même problème avec l'institut pasteur en 2004. Les locaux parisiens n'étaient plus aux normes et insuffisants en terme d'espace. IL a été projeté de les déplacer à Fresnes. Levée de boucliers du conseil d'administration. IL a été un moment question de le déplacer soit à Marnes la Vallée, soit à côté de Polytechnique. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Mais il y a deux ans, lors du projet de rénovation des locaux parisiens, la cour des comptes s'est aperçue que 130K€ avaient été consacrés pour la rénovation du seul bureau du directeur de l'institut.
En fait, rester dans Paris n'est pas une solution viable pour les populations d'enseignants chercheurs dont la carrière est comprise entre 27 et 45 ans; Ces gens n'ont pas les moyens de vivre sur Paris, ou dans des conditions franchement pas marrantes. Vivre en coloc à 30 piges, c'est moyen.
Mais c'est de toute façon le même problème qui existe aux US. A Stanford par exemple, le logement coûte la peau du cul. Et on trouve plein de chercheurs assistants qui vivent encore en coloc passé 30 ans.
Il faut un peu remettre les choses en perspective quand on parle des moyens de transport pour rejoindre ...quoi ? La vie nocturne ?