Bien que j’apprécie votre analyse, je la trouve très centrée sur le monde intello-intellectuel universitaire et scolaire. A vous lire, j’ai l’impression que le monde de l’éducation et son élite est le centre du monde.Jeffrey a écrit : ↑13 avr. 2020, 21:08je vais recopier ce que j'ai écrit plus haut :jobserve75 a écrit : ↑13 avr. 2020, 20:15Juste 2 questions à Jeffrey :
- Êtes-vous vous-même plutôt scientifique ou philosophe?
Pour moi, la vision du monde est unifiée. Un philosophe qui ignore les maths et la physique, est un imbécile. il ne sait pas de quoi il parle, et il lui manque une dimension qui ne peut lui permettre de saisir le monde dans sa complexité. On peut remplacer philosophe par avocat, homme politique, tout ce que vous voulez. Pas la peine d'en faire un syllogisme. Je ne dis pas que les gens ayant une compétence scientifique sont à même de comprendre le monde. Je dis que sans ce prérequis, on passe à côté de beaucoup trop de choses et c'est ce qui fait la ruine de nos modes de gouvernement actuels, au moins en partie.
Donc, une fois ceci exprimé de la même manière, je ne me sens pas moins philosophe que scientifique. Séparer les disciplines, c'est compartimenter l'esprit, s'interdire de faire des liens, ne pas pouvoir travailler sur une méta-analyse.
Je ne me range pas dans une des deux catégories de manière exclusive, et prétend utiliser mes connaissances et mon intellect pour avancer de front, comme devrait le faire n'importe quel être humain un peu sensé.Voyez-vous, une des notions simples en mathématique est celle de l'inclusion. Non pas qu'elle n'existe pas en rhétorique ni en philosophie, mais il est certain qu'elle est plus essentielle en mathématiques. Quand je dis que maitriser la méthode scientifique et le savoir technique sont des éléments nécessaires pour comprendre le monde et raisonner en profondeur, je n'écris pas que ceux qui maitrisent la méthode scientifique raisonnent tous en profondeur. Un matheux, par sa formation comprend cela immédiatement, parce qu'il entend immédiatement que l'ensemble des gens à même d'avoir un raisonnement fiable et fondé sur les paradigmes modernes est un sous ensemble de ceux qui maitrisent les démarches scientifiques. Il ne pense pas que cela signifie que tous les scientifiques ont une maitrise philosophique au sens où cela peut désigner des raisonnement en méta-analyse.jobserve75 a écrit : - et que dire des scientifiques nuls en philosophie? J’ai connu dans ma scolarité des élèves brillants en sciences et en math mais archi nuls dans d’autres matière, notamment en philo...
Il est souvent très difficile d’exceller dans toutes les matières.
J'ai connu des scientifiques incapables de s'extraire d'une analyse scientifique pour aborder les concepts plus philosophiquement, c'est certain. Mais j'ai surtout connu beaucoup de philosophes qui n'entendaient strictement rien aux idées scientifiques qui soutenaient une démarche intellectuelle. A chaque fois, discuter avec eux, c'est comme parler à quelqu'un à qui il manque des mots, des bouts de phrase, des dimensions. Je ne parle pas seulement des enseignants qui ont jalonné ma scolarité, mais des échanges que j'ai pu avoir dans ma vie. Et d'ailleurs, je ne distingue pas ma formation intellectuelle scolaire des échanges que j'ai pu avoir par la suite. Et pourtant, j'en ai rencontré des numéros. J'ai eu Finkelkraut en enseignant, Elisabeth Badinter et Luc Ferry également. Des trois, le plus ouvert était sans aucun doute Ferry. Mais à chaque fois, il manquait un truc, une épaisseur, une dimension, quelque chose qui leur échappait dans la réalité d'appropriation de ce dont ils parlaient. Sur le plan de l'enseignement philosophique, je regrette également ce jugement supérieur, cette idée que les gens formés à la philosophie puissent se pénétrer facilement de la profondeur de pensée de leurs interlocuteurs. Chose moins fréquente dans les disciplines scientifiques, car l'idée de notoriété est souvent liée à celle de la maitrise de la complexité sous jacente. On ne fera jamais passer Terence Tao pour un semi crétin. Il est certain que parfois, la notoriété s'égare, comme il est question dans ce fil à propos du conseil scientifique;
Pour ce qui est d'exceller dans toutes les matières, je pense qu'on n'est pas tous égaux. Ce qui est un réel problème sociétal, c'est de faire en sorte que les gens capables d'être les plus brillants ne soient pas incités à se mettre au service de la société. Il faudrait que collectivement, chacun réalise qu'il en va de son intérêt. On en est très loin.
Dans la réalité, les philosophes ne vont malheureusement pas beaucoup influer sur les décideurs (politiques, économiques...).
Finalement, leur qualité n’intéresse que leurs élèves ou lecteurs assidus.
Je rajouterai donc à votre point de vue que s’il est dommage que des philosophes n’aient pas un vernis scientifique c’est surtout une expérience de terrain dans l’administration ou le monde de l’entreprise qui leur fait défaut.
Vous évoquez les qualités/défauts de vos professeurs. Je n’ai pas eu la chance d’avoir d’aussi imminents enseignants mais j’ai toujours trouvé que les meilleurs enseignants étaient souvent ceux qui avaient une expérience de terrain, peu importe laquelle. Ils savent mieux partager leur pédagogie.
Dans le monde médical (que je connais mieux), cette expérience de terrain est essentiel. De brillants étudiants en médecine deviennent professeurs mais sont incapables de se mettre au niveau de leur patient. Dans certain domaine comme la psychiatrie, c’est un très gris défaut.