A Euralille, les clients retrouvent doucement leurs habitudes.
La reprise, dans les allées du centre commercial de la métropole lilloise, est inégale d’une enseigne à l’autre. Certaines sont encore fermées.
Chaque année, au cœur de Lille, il accueille près de 17 millions de visiteurs. Pendant les huit semaines de confinement, le centre commercial Westfield Euralille et ses 115 boutiques ont été désertés. Seul le Carrefour et la pharmacie sont restés ouverts. Grâce à une autorisation préfectorale, ce géant du commerce de plus 40 000 m2 du groupe Unibail-Rodamco-Westfield a pu rouvrir il y a quinze jours et, depuis, les consommateurs retrouvent doucement leurs habitudes.
Le 11 mai à 10 heures, les clients faisaient la queue devant la grille du magasin Go Sport situé à l’étage d’Euralille. « On s’attendait à une reprise timide pour ce premier jour de déconfinement, raconte la responsable du magasin de sport, mais on a fait plus d’entrées qu’un lundi normal. » Nadya Hellal annonce une croissance à deux chiffres depuis quinze jours : + 22 % par rapport aux objectifs. Le magasin tourne à plein effectif, soit 18 salariés. « J’ai même dû embaucher des renforts pour les rayons fitness et vélos. »
Julia Diep, la directrice du centre commercial lillois, confirme : « Comme nous nous y attendions, la reprise est progressive et les clients sont au rendez-vous. Nous avons mis en place des normes très strictes permettant le respect des règles de distanciation physique afin que nos visiteurs puissent réaliser leur shopping en toute sécurité. » En plein après-midi, la clientèle, plutôt jeune, est bien là, même si ce n’est pas la foule des grands jours. Dès l’entrée, située à quelques centaines de mètres de la gare Lille-Flandres, le décor est posé. Des barrières de police en acier galvanisé filtrent les gens, qui sont invités à se laver les mains avec du gel hydroalcoolique. Le flux est suivi en temps réel pour contrôler le nombre de personnes présentes au même moment afin d’en limiter l’accès si cela est nécessaire. Des panneaux indiquent que le port du masque est recommandé et des points de vente sont signalés pour ceux qui n’en ont pas.
« Drôle d’ambiance »
Dans la galerie commerciale de l’énorme bâtiment dessiné par l’architecte Jean Nouvel, un sens de circulation est imposé, obligeant les consommateurs à se déplacer de manière organisée. « C’est une drôle d’ambiance pleine de contraintes, remarque Angélique Nys, 25 ans, venue faire du shopping avec sa mère. Mais je n’ai pas peur, la preuve, je n’ai pas mon masque. » La jeune commerciale ne le porte pas dans la galerie mais la plupart des boutiques l’imposent à l’entrée, comme chez Go Sport. « Une petite douche ! », lance le vigile devant le magasin. Avec humour, il invite les clients à s’appliquer du gel hydroalcoolique sur les mains et impose le port du masque. « On ne me laisse pas entrer car je n’en ai pas, soupire Geoffrey, 28 ans, à la recherche d’une chambre à air. Chez Decathlon, c’est pareil. »
Au rez-de-chaussée de la galerie commerciale de 67 000 m2, chez Hema, enseigne d’origine néerlandaise, la responsable estime pourtant que 95 % de ses clients sont masqués. « J’ai senti un effort des gens dès le premier jour mais il y a eu un petit relâchement la deuxième semaine », considère Cindy Rydzik, qui a repris son activité avec la moitié de ses effectifs. En distribuant des paniers désinfectés à chaque chaland, elle a pu comptabiliser sa clientèle quotidienne : 800 à 1 000 personnes. « Près de 50 % de nos consommateurs sont de retour et ils viennent pour acheter », dit Cindy Rydzik. D’ailleurs, le ticket moyen « est largement plus élevé », affirme-t-elle, à demi cachée derrière son masque fleuri.
Dans la boutique de vêtements Star Folies, Catherine Charles, responsable de magasin depuis trente-cinq ans, confirme : « Pour nous, la reprise est bonne, avec un ticket moyen plus élevé de 10 %. On a déjà rattrapé notre début mai. » Entre deux rayons de polos Lacoste, Eden Park et Tommy Hilfiger, elle jette un œil aux clients qui entrent en nombre limité dans le magasin : pas plus de 10 personnes. « Euralille, c’est un centre de jeunes et cette clientèle n’a pas peur du virus », déclare-t-elle.
La reprise reste pourtant inégale d’une boutique à une autre. Quelques-unes sont d’ailleurs encore fermées, comme Primark. « Les enseignes de sport et de prêt-à-porter constatent une bonne reprise, note la directrice d’Euralille. Les loisirs et la restauration, qui n’ont pas encore eu la possibilité de rouvrir, souffrent particulièrement à l’heure actuelle. » La jeune directrice précise que le trafic au sein du centre est moins élevé qu’en temps normal, notamment à cause du contexte général : une offre réduite de transports en commun, la poursuite du télétravail, et la fermeture des restaurants.
Mais les accros au shopping sont de retour. « Ça fait du bien !, lance Jeanne Houcke, lycéenne de 18 ans, les bras chargés de sacs remplis de vêtements et de produits de beauté. Voir tout le monde avec un masque, c’est un frein à la consommation, et, en plus, on ne peut pas essayer les habits mais j’avoue, les fringues, ça m’a manqué ! »
Laurie Moniez (Lille, correspondance)