Paris, ville malade
La crise sanitaire ne suffit pas à expliquer le décrochage actuel que connaît Paris, estime dans une tribune aux « Echos » Nelly Garnier, conseillère (LR) de Paris. « La crise n'est qu'un accélérateur de l'inquiétante dérive que nous avons dénoncée tout au long de la campagne municipale et qui entraîne Paris vers le déclin depuis des années », écrit-elle.
Publié le 16 nov. 2020 à 18:13Mis à jour le 16 nov. 2020 à 18:15
Avec une démographie en berne, une forte dégradation de l'emploi salarié, l'effondrement de la fréquentation des commerces et de nombreuses faillites qui s'annoncent, nous sommes en mesure de dire que Paris décroche économiquement.
Paris subit les effets de la crise sanitaire avec certains secteurs d'activité à l'arrêt ou au ralenti, une chute brutale de la fréquentation touristique, ainsi qu'une forme d'amplification d'un désamour global à l'égard des métropoles, soumises à l'explosion de la délinquance, au risque terroriste, aux difficultés de circulation et de logement, à la pollution et désormais au risque épidémique. Mais la crise sanitaire ne suffit pas à expliquer le décrochage actuel que connaît Paris. Surtout elle ne suffit pas à expliquer que Paris subisse un décrochage pire que le reste des métropoles françaises et de l'Île-de-France. La capitale centralise près d'un tiers des pertes d'emplois franciliennes au deuxième trimestre selon l'Insee. Ce chiffre est éloquent.
Nous paierons alors au prix fort l'entêtement idéologique et mortifère de cette majorité de gauche.
En réalité, la crise n'est qu'un accélérateur de l'inquiétante dérive que nous avons dénoncée tout au long de la campagne municipale et qui entraîne Paris vers le déclin depuis des années. Jusqu'ici Paris n'a tenu que grâce à son attractivité naturelle, comme capitale administrative, et moteur économique et culturel du pays sûrement le plus centralisé d'Europe.
La capitale est restée une ville attractive malgré une majorité municipale qui a tout fait pour l'isoler et l'asphyxier. Elle a tenu dans un élan de survie qui ne résistera sans doute pas à la crise majeure qui survient aujourd'hui. Nous paierons alors au prix fort l'entêtement idéologique et mortifère de cette majorité de gauche. Trois dérives principales sont à déplorer.
Un village en autarcie
Première dérive, depuis des années, la majorité municipale s'est évertuée à isoler Paris des communes voisines, comme si nous étions un village en autarcie. Pourtant, la réalité même des flux quotidiens disait le contraire, avec, en temps normal, 330.000 Parisiens qui sortent de Paris chaque jour pour aller travailler quand 970.000 non Parisiens y entrent selon l'Insee. Le confinement avait mis en lumière tous les salariés de première ligne qui viennent chaque matin prendre soin de nos enfants, de nos personnes âgées ou tenir ouverts les commerces alimentaires.
Dès les premiers jours du déconfinement, sous couvert de développer le vélo, Anne Hidalgo les a remerciés en bloquant encore plus l'accès à la capitale avec des aménagements mal conçus qui ont complètement enclavé certains quartiers. Les boutiques du quartier du Marais connaissent une baisse de fréquentation de 89 % en septembre 2020 comparé à septembre 2019 selon l'étude réalisée par la fédération d'enseignes Procos.
La fête au détriment de la famille
Deuxième dérive, la majorité municipale refuse depuis des années de mener une politique familiale volontariste pour que Paris reste une ville où l'on s'enracine. Tous les moyens vont à la politique de la fête au détriment d'une véritable politique culturelle, sportive ou d'aide aux familles dans leur quotidien.
Paris a perdu entre 10.000 et 12.000 habitants par an sur la dernière mandature. Le mouvement est voué à s'amplifier. Les écoles parisiennes affichaient 3.700 élèves en moins à la rentrée 2020. La menace terroriste à son plus haut niveau, les difficultés liées au confinement en appartement et la généralisation du télétravail ne vont faire qu'accentuer la fuite de la capitale. Quels bénéfices aujourd'hui pour une famille à vivre dans une ville dense, sale, insécure et où la moindre activité pour enfant est à la fois hors de prix et hors de portée ?
Absence de développement économique
Enfin, troisième dérive, l'exécutif en place n'a eu aucune volonté de mettre en oeuvre une stratégie de développement économique pour Paris. Tout le système financier reposait sur le tourisme de masse et la spéculation immobilière. Derrière les beaux discours déplorant la hausse du foncier, la Ville de Paris profitait de près de 1,5 milliard qui tombait chaque année du fait des droits de mutation perçus lors des transactions immobilières. Cette manne financière a servi à subventionner des associations proches de la majorité et à financer des opérations marketing coûteuses comme la Nuit Blanche ou Paris Plage. Elle n'a pas permis de préserver les marges financières de la Ville dont la dette pourrait atteindre 7,1 milliards d'euros fin 2021, soit un doublement depuis l'arrivée d'Anne Hidalgo, une multiplication par 7 depuis la gauche a pris la capitale.
La mairie de Paris veut pouvoir augmenter plusieurs taxes immobilières
Aujourd'hui, où le marché immobilier se contracte et où le tourisme international est à l'arrêt, la majorité municipale n'a comme seule préoccupation que d'augmenter leur fiscalité pour compenser la baisse des recettes qu'ils génèrent. C'est ainsi que la Ville de Paris réclame une augmentation du taux maximal applicable aux droits de mutation, après les avoir déjà augmentés en 2016. Elle demande aussi la possibilité de passer la majoration de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires de 60 % à 100 % ainsi qu'une nouvelle augmentation de la taxe de séjour, déjà relevée en 2016 et 2018.
La majorité d'Anne Hidalgo n'a pas songé un seul instant que l'économie d'une ville monde ne pouvait pas reposer que sur le tourisme et la hausse du foncier comme, par orgueil, elle n'a pas anticipé que les autres territoires franciliens pouvaient mener des politiques volontaristes leur permettant de devenir plus attractifs à la fois pour les entreprises et les habitants. A force, par calcul politique ou par simple repli égoïste, de toujours penser Paris contre sa métropole, Paris s'est enfermé, replié et aujourd'hui s'étiole.
Sursaut immédiat
Paris va mal. Paris est malade. Notre inquiétude est grande face à l'absence de remèdes proposés. Beaucoup de Parisiennes et de Parisiens ont fini par renoncer et ont fui la capitale. Ils vont là où la vie est plus simple, plus agréable, et où travailler et élever ses enfants n'est pas un combat de tous les jours. Mais, parce que Paris est la capitale de la France, parce que cette ville doit rester un phare pour le pays des Lumières, il est de notre devoir de continuer de nous battre pour elle. Cela implique un sursaut immédiat.
L'exécutif en place doit cesser de dépenser des sommes folles pour mener des projets d'aménagement dont personne ne veut et subventionner à tout va des milliers associations afin de satisfaire des implantations électorales. La gravité de la situation impose de définir une stratégie économique en concertation avec les acteurs liés et de mener un audit sur les finances parisiennes, pour réorienter les moyens de la capitale vers un véritable plan de relance économique qui permette de sauver notre tissu de commerces de proximité mais aussi de développer des pôles d'excellence dans des secteurs stratégiques. Des milliers d'emplois parisiens sont en jeu, mais aussi plus largement la survie et le rayonnement de la capitale. Cela doit nous appeler collectivement à la responsabilité.
https://www.lesechos.fr/idees-debats/ce ... de-1265340